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cette conspiration était exclusivement russe et ne contenait aucun élément polonais, en second lieu, qu’elle renfermait des hommes de toutes les classes de la société russe. Les conspirateurs avaient voulu indiquer par là l’esprit démocratique qui les inspirait. Si l’on désirait connaître la pensée de ce parti, nous ne pourrions faire mieux que de mentionner les écrits de M. Ivan Golowine ; et si l’on souhaitait poursuivre plus loin cette étude, on arriverait à apercevoir, par-delà les conspirateurs de 1849 et les fantaisies assez peu saisissables de l’auteur de la Russie sous Nicolas, les germes d’un socialisme extravagant, représenté par un autre émigré russe, M. Bakounine, dans la presse radicale de Paris, sur plusieurs barricades germaniques, et notamment sur celles de Prague, à la suite du congrès slave.

Comme il y a des panslavistes dissidens constitutionnels, démocrates même et socialistes, il y a aussi et en grand nombre des chrétiens qui admettent à regret ou repoussent entièrement la papauté de l’empereur. Chacun se rappelle les débats et les négociations auxquels a donné lieu la situation des grecs-unis, c’est-à-dire des peuples dont les croyances sont catholiques et romaines sous un rite oriental. Depuis bien long-temps, ils sont en butte aux efforts du pouvoir politique, préoccupé de l’unité religieuse de l’empire. Cinq millions d’entre eux, cédant à la nécessité, ont dû, il y a peu d’années, renoncer à leur foi et embrasser le symbole de l’église grecque. Environ trois millions, répandus dans la Petite-Russie, sont demeurés fidèles à l’église romaine, de même que les neuf millions de catholiques purement polonais. Chez ceux qui ont abjuré comme chez ceux qui ont pu résister jusqu’à ce jour, vous retrouverez les mêmes préoccupations, les mêmes anxiétés, des regrets et des craintes que chaque jour on songe moins à dissimuler. Un prêtre ruthénien, appartenant à l’église grecque-unie, a récemment adressé aux Slaves, et un peu aussi aux catholiques de l’Occident, un écrit où cette situation est définie avec une certaine vigueur. Aux prétentions de l’église grecque à être la vraie église nationale chez les Slave, le prêtre ruthénien oppose l’histoire de la prédication du christianisme parmi ces peuples. Il établit catégoriquement que la croyance romaine, revêtue des formes orientales, est leur foi primitive. Bien que les Russes proprement dits aient plus tard suivi l’exemple de Byzance et abandonné Rome, tandis que la majeure partie des Polonais, les Bohêmes, la moitié des Illyriens, consentaient à devenir purement latins, la Petite-Russie à peu près entière a persisté dans la foi originaire et vraiment slave des apôtres Cyrille et Méthode. Si cette foi n’a pas conservé plus d’empire, si elle n’a pas repris l’influence qu’elle avait perdue, la faute en est, suivant le prêtre ruthénien, au clergé et à l’épiscopat latins, qui, en dépit même des conseils ou des ordres du saint-siège, se