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qu’en 1841 un grand nombre ont été transférés et colonisés dans le Caucase ; mais la secte, loin d’être éteinte, semble destinée à faire chaque jour de nouveaux prosélytes. Comme les starowers, par leur fidélité excessive aux vieilles mœurs nationales, se rattachent aux doctrines du panslavisme historique, les douchoborzi, dont la prétention est de substituer l’esprit à la lettre de l’Écriture, se rattachent directement aux panslavistes mystiques. Or, les tendances de ce panslavisme mystique ne vont pas tout droit à la démocratie ; elles suivent un chemin détourné à travers le socialisme. La plupart de ces paysans sectaires vivent sous le régime de la propriété communale ; ce que veulent les panslavistes mystiques, c’est aussi la substitution absolue de cette communauté des immeubles à l’état de choses créé par l’institution de la féodalité et du servage. Les partis religieux donnent ainsi la main aux partis politiques les plus avancés sur le terrain de l’organisation sociale. L’union peut devenir d’autant plus étroite un jour, que les partis démocratiques sont en même temps préoccupés d’idées religieuses, et que les partis religieux se recrutent principalement et presque exclusivement au sein de la classe populaire la plus pauvre et la plus facile à séduire. Les adversaires du czarisme n’ont eu garde de négliger ce moyen d’action. Aussi est-il hors de doute que les sectes religieuses ne soient en train de devenir des sociétés secrètes dans le sens moderne du mot, et que les conspirateurs ou les écrivains démocratiques n’en viennent à chercher là de préférence leur point d’appui. Nous avons vu le parti de l’aristocratie constitutionnelle devancé par les radicaux socialistes ; les douchoborzi nous montrent les partisans d’une sage liberté religieuse, les grecs-unis, devancés par le philosophisme le plus téméraire. Telle est la contrepartie des principes de force et de conservation sûr lesquels le czarisme a basé sa puissance.

Dans son action au dehors, chez les peuples soumis au protectorat, ces mêmes prétentions de religion et de race rencontrent des obstacles analogues ; la résistance est même là plus libre et aussi plus violente. D’abord, dans les trois principautés, si l’on excepte le haut clergé qui se recrute, comme on sait, non dans le clergé inférieur, mais dans les monastères, l’église est essentiellement nationale, indépendante, hostile à toute pensée qui prétendrait la rattacher à un centre. Si les peuples de l’Europe orientale se sont si facilement séparés de l’élise romaine, c’est par la raison que l’église d’Orient respectait davantage les nationalités et se prêtait plus complaisamment à l’indépendance. Cette habitude d’identifier les croyances religieuses avec les croyances politiques est entrée profondément dans les mœurs. Les Moldo-Valaques reconnaissent encore la suprématie du patriarche de Constantinople. Déjà cependant, les Serbes, plus hardis et plus pressés d’arriver à nationaliser