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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mars 1850.

Les élections de Paris sont un échec pour le gouvernement et pour le parti modéré : voilà ce que nous ne voulons pas nier. On a beau discuter et équivoquer, il y a toujours une grande différence entre ces deux mots-ci : être vainqueur ; être vaincu. Ne l’eussions-nous emporté que de 1000 voix sur nos adversaires, c’eût été une victoire, tandis qu’aujourd’hui nous sommes vaincus. Cela dit, expliquons quelle est, selon nous, la portée de cette défaite et quelles en sont les conséquences, afin de ne pas aller dans nos alarmes au-delà du danger qui nous menace.

Et d’abord, nous dirons franchement que l’élection du 10 mars n’a ouvert les yeux que de ceux qui jusque-là voulaient les tenir fermés. Qui donc ignorait le perpétuel péril du suffrage universel ? Qui donc croyait que nous pouvons vivre avec ce genre de votes, organisé comme il l’est ? Qui donc ne savait pas que nous avions une maladie chronique dont les accès pouvaient être plus ou moins graves, mais qui doit nous tuer au bout d’un certain temps ? Oui, l’élection du 10 mars est une première attaque d’apoplexie ; mais qui donc ne savait pas que nous sommes fatalement voués à l’apoplexie, si nous attendons tranquillement les atteintes du mal ? En vérité, nous ne sommes étonnés que de l’étonnement que nous rencontrons, et cet étonnement nous montre combien notre pauvre pays sait peu son état et combien il est prompt à se faire illusion. Il y avait bien des gens qui disaient hautement que nous sommes très malades, et qui, au fond, ne le croyaient pas. Ils parlaient de leurs maux comme on en parle dans un salon, aux eaux, à Bade ou à Vichy, où il est de règle que personne ne se porte bien. Leur maladie n’était qu’une grimace de bonne compagnie, et cependant leur santé n’était que l’aveuglement d’esprits faibles et légers.