qui en procède déjà de loin et avec je ne sais combien d’altérations ou de métamorphoses progressives, si bien que tout est changé en chemin, hommes et choses.
Quand, il y a dix-huit mois, il n’était bruit que du parlement de Francfort, qui aurait pu croire que la diète de 1815 pût encore ressusciter ? De nos jours, qui pourrait croire que le parlement de Francfort pût aussi ressusciter ? Rien n’est plus vrai cependant, et si le traité des trois rois de Bavière, de Saxe et de Wurtemberg parvient à vivre, si, d’un autre côté, la Prusse ne renonce pas au parlement qu’elle a convoqué à Erfurth pour le 20 mars, nous sommes en train de voir un parlement à Francfort, un parlement à Erfurth, comme nous voyons dès ce moment une commission fédérale intérimaire à Francfort et un conseil d’administration fédératif à Berlin. Évidemment, si l’Allemagne n’est pas représentée et administrée dans cette unité qui lui est si chère, ce ne sera pas faute de parlemens, de conseils, de comités et même de constitution. En ce moment, il est vrai, de tous ces conseils et tous ces parlemens germaniques, aucun n’est mort et aucun n’est vivant. Tout est dans les limbes de la création ou du créant ; tout est entre la vie et la mort. Essayons cependant de caractériser rapidement cet état crépusculaire où se tient l’Allemagne, sans que nous puissions savoir encore si ce crépuscule est celui qui précède la nuit ou celui qui précède l’aurore. Parlons d’abord du parlement d’Erfurth.
Le parlement d’Erfurth procède de deux pensées : une pensée libérale et une pensée prussienne. Il se rattache par la pensée libérale au parlement de Francfort, c’est-à-dire à la représentation la plus populaire de l’unité germanique ; il en est l’héritier sans en être le continuateur. Né de ce qu’on a appelé le traité des trois rois, c’est-à-dire de la Prusse, de la Saxe et du Hanovre, qui sentirent, dès les premiers jours de 1849, la nécessité d’arrêter l’essor de la démagogie et les funestes entraînemens du parlement de Francfort, le parlement d’Erfurth a commencé par être le rival éventuel du parlement de Francfort : c’était le parlement modéré opposé au parlement exagéré ; mais, le parlement de Francfort ayant bientôt disparu dans la démagogie et s’y étant abîmé, l’idée du parlement d’Erfurth devint l’espoir du fédéralisme allemand. On se flattait que l’unité germanique serait représentée par le parlement d’Eifurth, et c’est là ce qui rattachait à ce parlement les amis de M. de Gagern, c’est-à-dire les libéraux de Francfort.
D’un autre côté, il est vrai, ce parlement procédait d’une pensée égoïste de la Prusse. La Prusse s’est imaginée, dès le commencement de la révolution en Allemagne, que cette révolution devait tourner à son profit ; il y a eu même un moment où elle a cru que le roi de Prusse allait être nommé empereur héréditaire d’Allemagne, et que la maison de Hohenzollern allait remplacer la maison de Hapsbourg. Il n’en a rien été. Ne pouvant pas avoir tout, la Prusse alors a cherché à avoir la plus grosse part possible. Elle a fait son traité avec le parlement d’Erfurth elle a fondé enfin ou essayé de fonder un état fédératif restreint, imperium in imperio, morcelant ainsi l’unité germanique et faisant une grande Prusse ou une petite Allemagne.
Comme il y avait dans l’alliance de la Prusse un boulevard contre la démagogie, la Saxe et le Hanovre consentirent, en commençant, aux projets de la Prusse, aimait mieux, après tout, médiatisation pour médiatisation, être médiatisés