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auront en outre le temps de se consulter par des délégués et d’aviser. Quant à ceux des représentans du nord qui sont les alliés du sud et qui ont reçu le mandat impératif de voter en faveur du proviso de Wilmot, comme le général Cass par exemple, ils annoncent l’intention de combattre la mesure et de donner leur démission au moment du vote.

Ce plan de campagne, s’il est suivi, promet des scènes dramatiques au sein du congrès et une redoutable agitation dans toute l’étendue de l’Union. Les free-soilers reculeront-ils devant l’audacieux défi que les hommes du sud veulent leur porter ? S’ils persistent dans la voie qu’ils se sont tracée, c’en est fait de l’Union. Voilà quelle est au vrai la situation actuelle, et il semble que le drame qui commence ne puisse se dénouer que par la rupture du contrat fédéral. C’est précisément la nécessité de ce dénoûment funeste qui nous fait croire que la lutte ne s’engagera pas, et qu’un compromis viendra encore prévenir la dissolution de l’Union américaine.

Le peuple américain est très susceptible de fanatisme, parce qu’il a les idées étroites, parce que le pays manque d’une classe éclairée qui serve d’initiatrice aux masses et répande au milieu d’elles cette impartialité et cette élévation de vues qui sont le produit d’une civilisation avancée et d’une haute culture de l’esprit. L’éducation des Américains est toute positive ; elle ne comprend que ce qui a une utilité immédiate et pratique ; elle ne fait aucune part aux spéculations de l’intelligence, aux études qui peuvent élever et rectifier le jugement. Le protestantisme, tel qu’il est pratiqué aux États-Unis, ne peut suppléer complètement à cette lacune de l’éducation nationale. Comme l’un des caractères saillans de la race anglo-saxonne, c’est l’ardeur persévérante et l’obstination, le peuple américain, incapable d’enthousiasme, peut être facilement amené au fanatisme. Nous croyons donc que, si les idées abolitionistes s’étaient emparées de la population du nord de l’Union, cette population poursuivrait obstinément leur triomphe, même au prix d’une guerre civile, même au prix de la ruine des états du sud ; mais l’abolitionisme n’en est pas encore là. Les spéculateurs politiques l’ont flatté et secondé pour sauver, qui un siège au congrès, qui un poste de gouverneur d’état, qui une place dans une législature particulière, parce qu’ils savent que, dans les luttes électorales, la victoire appartient toujours au parti le plus actif, le plus entreprenant et le mieux discipliné ; ils n’ont point entraîné à leur suite la masse de la population, qui est toujours en retard sur ses chefs. Dans l’intervalle des deux sessions, l’agitation a été dirigée et entretenue par la fraction exaltée des deux partis, par les hommes qui sont toujours prêts à exagérer leurs paroles et à pousser aux mesures extrêmes. Ce n’est pas à ceux-là qu’appartiendra la décision quand le moment critique sera venu,