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parce que le peuple américain n’a point pour habitude de s’abandonner lui-même au milieu du péril.

La masse du peuple américain est profondément attachée au maintien de l’union par orgueil national, par patriotisme et aussi par intérêt. Il n’est pas d’Américain un peu sensé qui ne comprenne que c’est l’union qui fait la force de tous les états répandus dans le nord de l’Amérique. C’est parce qu’on obéit aux mêmes lois et au même chef sur les rives de Saint-Laurent ou sur les rives du Mississipi, sur les bords de l’Océan ou sur ceux du golfe du Mexique, que le peuple américain est un grand peuple, et que les nations les plus puissantes comptent avec lui. Il y a sur cet immense territoire place pour plusieurs nations ; mais supposez qu’il y ait seulement deux confédérations au lieu d’une : les rivalités, les jalousies dégénèrent en guerres ; adieu la sécurité des États-Unis, adieu ces conditions exceptionnelles qui leur permettent de se passer d’armée, d’administration et presque de gouvernement. La sécurité, la puissance et jusqu’à la liberté se trouvent compromises du même coup. On ne peut croire que le culte de l’Union soit éteint ni même affaibli dans le cœur des Américains, et sans doute du sein des masses, aujourd’hui inquiètes et alarmées, va s’échapper un cri unanime qui imposera un compromis au nom de la nécessité de sauver l’Union.

Or, les élémens de ce compromis existent incontestablement. Le champ de bataille du nord et du sud était, l’année dernière, le bill qui érigeait en territoire la Californie. Les free-soilers, maîtres de la chambre des représentans, voulaient introduire dans la législation provisoire de la Californie l’interdiction de l’esclavage ; les hommes du sud, aidés de leurs alliés, faisaient repousser obstinément par le sénat cette partie du bill. Nous avons déjà dit que le bill, ainsi ballotté d’une chambre à l’autre, n’avait jamais pu arriver à terme. Les habitans de la Californie, ne pouvant demeurer sans législation et sans gouvernement, ont pris le parti de régler leurs affaires eux-mêmes. Ils ont nommé une convention qui a rédigé une constitution, et, comme ils sont assez nombreux pour que la Californie prenne immédiatement rang d’état, ils ont élu deux sénateurs et des représentans chargés d’aller soumettre leur constitution au congrès et de demander l’admission de la Californie dans l’Union. Aucune objection ne peut leur être faite ; leur constitution interdit l’esclavage, mais les états du sud ont pour principe fondamental que c’est aux états eux-mêmes qu’il appartient de trancher cette question, et ils ne repoussent que l’intervention de la législature fédérale. Lors de l’admission dans l’Union de l’Iowa et du Wisconsin, ils n’ont pas contesté aux habitans de ces nouveaux états le droit d’interdire l’esclavage dans leur constitution ; ils ne sauraient le contester davantage aux habitans de la Californie. Il suffit