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surnaturelle, suffit aux destinées de la société humaine. Cette proposition peut être vraie ou fausse, mais cette proposition, on l’avoue, est toute une doctrine, et, pour tout homme de bonne foi, une doctrine qui équivaut à la négation la plus absolue de la vérité chrétienne.

Aussi, en dépit de cette prétendue incompétence et de sa neutralité constitutionnelle en matière de religion, nous voyons que, partout où l’état moderne s’est établi, il n’a pas manqué de réclamer et d’exercer à l’égard de l’église la même autorité et les mêmes droits que ceux qui avaient appartenu aux anciens pouvoirs. Ainsi en France, par exemple, dans ce pays de logique par excellence, la loi a beau déclarer que l’état, comme tel, n’a point de religion ; celui-ci, dans ses rapports envers l’église catholique, n’en persiste pas moins à se considérer comme l’héritier parfaitement légitime du roi très chrétien.

Rétablissons donc la vérité des faits : l’état moderne ne proscrit les religions d’état que parce qu’il a la sienne, et cette religion, c’est la révolution.

Maintenant, pour en revenir à la question romaine, on comprendra sans peine la position impossible que l’on prétend faire à la papauté, en l’obligeant à accepter, pour sa souveraineté temporelle, les conditions de l’état moderne. La papauté sait fort bien quelle est la nature du principe dont celui-ci relève ; elle le comprend d’instinct, la conscience chrétienne du prêtre dans le pape l’en avertirait au besoin. Entre la papauté et ce principe, il n’y a point de transaction possible ; car ici une transaction ne serait pas une simple concession de pouvoir, ce serait une apostasie.

Mais, dira-t-on, pourquoi le pape n’accepterait-il pas les institutions sans le principe ? — C’est encore là une des illusions de cette opinion soi-disant modérée, qui se croit éminemment raisonnable et qui n’est qu’inintelligente, comme si des institutions pouvaient se séparer du principe qui les a créées et qui les fait vivre ! comme si le matériel d’institutions privées de leur ame était autre chose qu’un attirail mort et sans utilité, un véritable encombrement ! D’ailleurs, les institutions ont toujours, en définitive, la signification que leur attribuent, non pas ceux qui les donnent, mais ceux qui les obtiennent, surtout lorsque ce sont ces derniers qui les imposent.

Si le pape n’eût été que prêtre, c’est-à-dire si la papauté fût restée fidèle à son origine, la révolution n’aurait eu aucune prise sur elle, puisque la persécution n’en est pas une ; mais c’est l’élément étranger, élément mortel et périssable, qu’elle s’est identifié, qui la rend maintenant accessible à ses coups. C’est là le gage que depuis des siècles la papauté romaine a donné par avance à la révolution. Et c’est ici, comme nous l’avons dit, que s’est manifestée avec éclat la logique souveraine de l’action providentielle. De toutes les institutions que la papauté a enfantées