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REVUE LITTERAIRE.




LES THEÂTRES ET LES LIVRES.




Est-il bien vrai que la littérature dramatique revienne en ce moment aux saines idées morales, et faut-il chercher, dans quelques ouvrages représentés récemment, les indices de ce retour salutaire, de cette réaction dont personne ne sera tenté de se plaindre ? Ce ne serait pas, remarquons-le en passant, une des moindres surprises de notre époque que de voir l’auteur de Lélia prêter un concours imprévu à cette restauration de la morale au théâtre, et peut-être est-il plus sage de penser qu’en écrivant son idylle de François le Champi, Mme Sand n’a pas songé à se faire l’interprète de ces intentions réparatrices, qu’elle a voulu tout simplement humilier la société polie en glorifiant la vie champêtre, et se consoler avec des paysans du mauvais succès de ses tentatives pour l’amélioration politique et sociale des hommes civilisés. Quoi qu’il en soit, la réaction existe, en apparence du moins, et vient de se révéler encore par le succès de Gabrielle, la nouvelle comédie de M. Émile Augier. Il y a lieu de s’en réjouir plutôt que de s’en étonner : il faudrait ne pas connaître cette mobilité de goût, cette humeur changeante qui déplace si souvent les conditions de réussite ou de déchéance, pour être surpris que les excès du drame moderne, les orgies dramatiques et littéraires que nous avons autrefois signalées, aient fini par inspirer un vif attrait pour les conceptions les plus simples, pour la peinture des sentimens les plus purs et les plus paisibles. C’est une des lois constantes de l’esprit humain que cette transition brusque et rapide d’une exagération qui le dégoûte ou l’effraie à une exagération contraire dont il se lassera plus tard, et ce n’est pas seulement à la littérature que cette loi s’est appliquée dans ces derniers temps. Il y a plus, ce retour à la morale, au culte de la famille, n’est que la conséquence logique des doctrines qui menacent,