Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous les ordres du jeune lieutenant. On expédia un parlementaire aux Américains, pour les prévenir qu’on les attendait de pied ferme, et qu’on les recevrait à coups de carabine dans le cas où ils passeraient des menaces aux faits.

Ces derniers se réunirent aussitôt pour se consulter sur la conduite qu’il fallait tenir vis-à-vis des Français. Un petit nombre d’esprits ardens voulut livrer bataille, mais la grande majorité se prononça pour la paix. « Pourquoi, s’écria un orateur, nous battrions-nous avec les Français ? Leurs pères ont été les amis de nos pères. Ils ont combattu ensemble pour la même cause, celle de l’indépendance de notre patrie, et contre les mêmes ennemis, les Anglais. Rochambeau était Français, Lafayette aussi ; ils comptent pourtant parmi les héros de notre histoire, et leurs noms prennent place, dans la mémoire de tout véritable Américain, à côté de celui de Washington. C’est aujourd’hui l’anniversaire de notre indépendance, nous allons nous réunir dans un banquet pour le fêter. La place des Français y est marquée tout naturellement ; envoyons une députation auprès d’eux pour les y inviter. » La proposition fut accueillie par de longues acclamations, et le soir même les deux races se réunirent autour d’une même table, et y fraternisaient bruyamment. À partir de ce moment, les Français et les Américains ont vécu aux mines en parfaite intelligence. Je ne puis m’empêcher, à ce propos, de rendre hommage au noble caractère des Américains de l’ouest, cette fraction simple de cœur, mais loyale et énergique d’un grand peuple. J’ai souvent rencontré ces valeureux enfans des solitudes et des forêts ; j’ai échangé avec eux, dans plus d’une occasion périlleuse, de chaudes poignées de main, d’ardentes félicitations. Français de cœur et vrais amis de la liberté, ils se réjouissent avec une joie véritable de tout ce qui arrive d’heureux à leur grande alliée, comme ils appellent encore la France. Pour les hommes de l’ouest, pour les cultivateurs de l’Union en général, l’époque de l’indépendance américaine est l’âge héroïque de leur pays. Il n’en est pas un seul qui ne connaisse parfaitement tous les incidens de cette grande lutte, qui ne se rappelle et ne vénère les noms de tous ceux qui y ont figuré. Quant aux événemens de leur histoire qui se sont passés depuis, ils n’en ont qu’une idée assez vague et ne s’y arrêtent guère. Si parfois la politique des États-Unis est hostile à la France, ou porte à son égard le cachet d’une envie haineuse, c’est parce que le grand élément de l’ouest oublie de faire entendre sa voix.

Si étrange que soit la vie californienne, on comprend que la curiosité du voyageur fraîchement débarqué sur les bords du Sacramento se porte bien vite d’un autre côté. Qu’y a-t-il de vrai dans ce qu’on a dit des mines, dans ces descriptions merveilleuses qui ont excité à si juste titre l’attention de l’ancien et du nouveau monde ? L’or s’extrait-il