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de Panama. Moins on prendra de marchandises avec soi, mieux cela vaudra. On peut se pourvoir aujourd’hui de tout à San-Francisco, et à des conditions assez satisfaisantes.

Il y a vingt ans, on fit dans une petite île voisine de Curaçao une découverte dont il fut grandement question pendant quelque temps. Un colporteur juif avait remarqué dans une case de nègre, où il s’était arrêté pour un moment, deux gros morceaux de métal qui servaient de chiens dans cet âtre primitif. Les ayant examinés curieusement, il les reconnut pour de l’or, et les obtint sans difficulté en échange de quelques mouchoirs et d’une pipe. Ayant constaté l’endroit où ces précieux fragmens avaient été trouvés, le juif se rendit à Curaçao, et vendit son or 150,000 francs. La curiosité publique fut à l’instant éveillée. Les autorités se transportèrent sur les lieux, et les firent occuper militairement ; puis on se mit à travailler pour le compte du gouvernement hollandais. Au bout de quelques mois, on avait trouvé de l’or pour 5 ou 6 millions ; mais la source sembla se tarir tout d’un coup, car, bien qu’on eût fait des fouilles et cherché de toutes les manières, on ne trouva plus rien à partir de ce moment.

Qu’on se rassure, les mines de la Californie ne s’épuiseront pas de si tôt. Il n’est pas probable non plus que l’or subisse une dépréciation sensible par suite de cette étonnante découverte. Les arts et l’industrie absorberont dorénavant une quantité plus forte de ce produit, qui entrera aussi plus largement dans les besoins domestiques. La vaisselle des classes riches était naguère en argent ; désormais elle sera en or, et la révolution n’ira guère plus loin. Peut-être les denrées essentielles augmenteront-elles légèrement de valeur ; en ce cas, le prix du travail augmenterait aussi. On manque encore d’élémens suffisans pour éclairer tous ces points. La découverte des mines de Californie n’est d’ailleurs qu’une sorte de prélude aux découvertes semblables qu’on pourra faire dans l’Amérique du Sud, dont la surface a été à peine effleurée par les Espagnols.

L’émigration européenne pourra donc, pendant bien des années encore, se porter vers la Californie sans craindre d’épuiser ce riche territoire. Les descendans des anciens Espagnols, venus dans le pays soit du Mexique, soit du Pérou, et qui forment encore une classe distincte et assez nombreuse, seconderont plutôt qu’ils ne contrarieront les efforts de nos travailleurs. Après avoir accepté d’abord d’assez mauvaise grace la domination américaine, ils commencent aujourd’hui à s’accommoder davantage d’un état de choses qui les a enrichis comme par enchantement. J’ai rarement rencontré une plus belle race que la race espagnole de la Californie. Les hommes sont grands, bien faits et pleins d’énergie. Les femmes ont, avec de beaux