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les Grecs, du Bas-Empire, nous nous battons pour des formules philosophiques ou politiques, pendant que les deux grandes nations qui, seules, marchent de pair avec nous dans le monde des idées et des faits étendent et développent partout leur influence et leur commerce. Quand le génie français, ce génie si actif et si fécond naguère, abandonnera-t-il cette route qui ne peut conduire qu’à l’anarchie ? Quand donc rentrera-t-il dans la voie des réformes pratiques et matérielles ? La France, dont la sève intellectuelle a tout fécondé autour d’elle, quand songera-t-elle enfin qu’en poursuivant la réalisation de théories chimériques, elle court risque d’être réduite, comme Niobé, à pleurer sur des tombeaux ?

J’ai montré en quoi consistait le travail des chercheurs d’or en Californie. On a pu se convaincre déjà que les chances de l’émigration sont excellentes pour les artisans, les manœuvres et les ouvriers robustes. Quelques indications rapides compléteront ce que j’ai dit du travail des mines. Le prix de la main-d’œuvre à San-Francisco est de 150 piastres, soit 750 francs par mois ; c’est le minimum du salaire, et, à ce prix, tout le monde peut trouver du travail. Les cuisiniers gagnent de 3 à 400 piastres par mois, et les charpentiers, les forgerons, les menuisiers, beaucoup plus. Il faut se rappeler pourtant que les pluies commencent vers la fin de décembre et durent jusque vers le milieu de mai. Pendant la saison pluvieuse, il y a surabondance de bras et assez souvent disette.

Si on prend la route la plus longue, quoique la moins dispendieuse, celle du cap Horn, pour aller en Californie, il importe de s’entendre avec les armateurs, et d’obtenir de ces derniers la permission de rester à bord du navire, à San-Francisco, jusqu’à ce qu’on ait trouvé un emploi convenable. Passé le mois de mai, il n’y a plus de difficultés à l’arrivée, et l’émigrant est maître de faire lui-même la loi dans la pénurie des bras. Il faut six mois pour se rendre à San-Francisco par la voie du cap Horn, même sans de bien grandes relâches. Les mois de décembre et janvier me paraissent les plus favorables pour entreprendre ce voyage. La voie de Panama est beaucoup plus courte, mais aussi beaucoup plus coûteuse. Si on la choisit, il vaut mieux se rendre à New-York pour y retenir sa place à bord des vapeurs américains de la mer Pacifique. Sans cette précaution, on court le risque de se voir arrêté, quelquefois des mois entiers, à Panama, faute de pouvoir trouver une occasion pour San-Francisco. Du Havre à New-York, le prix du passage est de 450 fr. environ, de New-York à Chagres 1,000 fr., et de Panama à San-Francisco 1,500 fr. pour les premières places. Le total de ces sommes se grossirait encore d’une dépense de près de 500 fr., à titre de frais de mulets et de bateaux que nécessite le passage de l’isthme