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les députés des deux partis s’étaient réunis pour faire choix chacun du candidat qu’ils porteraient à la présidence ; mais les partisans de la liberté du sol ne se rendirent ni à l’une ni à l’autre des deux réunions, et s’assemblèrent séparément. Une scission éclata au sein de la réunion des whigs ; M. Toombs, député de la Georgie, demanda qu’avant toute décision les membres présens prissent l’engagement d’écarter par l’ordre du jour toute proposition de nature à porter atteinte aux institutions particulières du sud. Les députés whigs du nord se récrièrent sur la violence morale qui leur était faite, et M. Toombs se retira, suivi de quelques autres députés du sud. On voit que l’attitude agressive prise par la petite phalange des partisans de la liberté du sol a eu pour premier résultat de donner naissance à une autre fraction déterminée à sacrifier les intérêts de parti à la défense de l’esclavage. Quand le scrutin, qui a lieu de vive voix, s’ouvrit, on vit les partisans de la liberté du sol voter pour M. Wilmot, et six ou sept whigs du sud perdre obstinément leurs voix tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre d’entre eux. Il en a été ainsi jusqu’à la fin, en sorte que ni les whigs ni les démocrates, dont les forces se balancent exactement, n’ont jamais pu donner la majorité à aucun candidat de leur parti. Après soixante scrutins inutiles, les deux partis nommèrent un comité mixte, chargé de chercher les moyens de départager la chambre, et, conformément à la décision du comité, il fut décidé qu’il serait procédé encore à quatre scrutins, et que si aucun membre n’obtenait la majorité absolue, celui qui réunirait la majorité relative serait proclamé président. Au soixante-quatrième tour de scrutin, M. Howell Cobb, député de la Georgie et démocrate, ayant réuni 102 voix, tandis que M. Winthrop, candidat des whigs, n’en avait que 100, se trouva président. Il était temps qu’un terme fût mis, par cette élection, aux stériles débats qui consumaient le temps de l’assemblée, et qui devenaient chaque jour plus irritans. La persistance du petit noyau des partisans de la liberté du sol à paralyser les efforts des deux grandes fractions de la chambre attiraient sur eux mille attaques ouvertes ou déguisées, et ils y répondaient par des provocations à l’adresse des députés du sud. L’un d’eux ayant exprimé l’espoir de la prochaine abolition de l’esclavage dans le district fédéral, un démocrate du sud, M. Colcock, se leva et s’écria que, si aucune motion des free-soilers venait à être adoptée, il en proposerait une à son tour ainsi conçue : « La dissolution de l’Union est prononcée. » Si, dès les premières séances, une simple parole suffit à faire émettre de semblables menaces, quels orages vont donc éclater au sein du congrès, quand la question même de l’esclavage sera posée devant lui ?

Le message du général Taylor, adressé au congrès le lendemain de l’élection de M. Cobb, reflète fidèlement les préoccupations du public américain. Le président recommande au congrès d’éviter les questions irritantes qui répandent une pénible inquiétude au sein de la nation : il rappelle l’avis solennel adressé par Washington aux représentans du pays a de ne donner jamais occasion de désigner les partis par des distinctions géographiques. » M. Taylor annonce que la Californie et le Nouveau-Mexique vont prochainement demander à être admis dans l’Union ; les populations de ces deux états, avant de solliciter leur admission, se seront donné une constitution et auront résolu elles-mêmes toutes les questions qui les intéressent ; le congrès ne devrait-il pas s’en