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rapporter purement et simplement à leur initiative ? Tel est le conseil que lui donne le général Taylor ; mais il appréhende évidemment que ses avis ne soient pas suivis, et il laisse entrevoir que, dans ce cas, le pouvoir exécutif interviendra énergiquement. Avant son élection, le général avait annoncé l’intention de ne jamais faire usage du veto présidentiel, et l’opinion s’était accréditée dans le public que, si les deux chambres se trouvaient d’accord pour voter une loi en opposition avec les intérêts du sud, le président s’abstiendrait, et la laisserait promulguer par suite de sa déférence excessive pour le pouvoir parlementaire. Le général Taylor expose ses opinions à ce sujet ; il déclare qu’il regarde le veto « comme un moyen extrême auquel on ne doit recourir que dans les circonstances extraordinaires, comme lorsqu’il est nécessaire de défendre le pouvoir exécutif contre les envahissemens du pouvoir législatif, ou de prévenir une législation faite à la hâte, inconsidérée ou inconstitutionnelle. » Si l’on rapproche ces paroles de celles qui terminent le message, et dans lesquelles le président déclare « que la dissolution de l’Union serait la plus grande des calamités, » et annonce l’intention de maintenir et de défendre l’Union dans son intégrité à l’aide des pouvoirs que la constitution lui confère, on est en droit de conclure que le président ne se croirait lié par aucun engagement, si une loi fatale à l’Union venait à être votée, et qu’il n’hésiterait pas à faire usage de son droit constitutionnel.

La partie du message relative à la politique extérieure est empreinte d’une modération et d’une sagesse de vues qui annoncent que l’administration du général Taylor ne ressemblera en rien à l’administration tracassière et querelleuse de son prédécesseur. Un paragraphe est consacré à la France et constate dans les termes les plus amicaux le rétablissement des bons rapports entre les deux pays. Un autre passage s’adresse indirectement à nous, c’est celui où le président déclare que les États-Unis ne pourraient voir avec indifférence les îles Sandwich passer sous la domination d’une autre puissance. C’est une allusion à la récente expédition de l’escadre française contre Honolulu ; mais la France, qui s’était proposé de mettre le roi des îles Sandwich à la raison, n’a jamais songé à le déposséder. On doit remarquer aussi le ton conciliant avec lequel le président traite toutes les questions dans lesquelles les États-Unis ont l’Angleterre en face d’eux, et notamment la question du canal entre les deux océans, dans l’état de Nicaragua. La proposition que font les États-Unis d’envisager cette entreprise comme une œuvre internationale à laquelle tous les peuples pourront concourir, et dont les avantages seront étendus à tous, est à la fois digne d’une grande nation et conforme à l’esprit de notre temps. C’est le propre de la civilisation de rendre commun à tous les peuples ce qui peut hâter les progrès et développer le bien-être de l’humanité.

V. DE MARS