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citernes vides, à moitié comblées et ruinées, des défenses hors de service : voilà quelle était la situation de l’île. Tout était donc à créer en vue d’une occupation même temporaire. En présence de la mauvaise saison qui approchait, des difficultés d’un ravitaillement et des éventualités possibles, il fallait approvisionner l’île pour un mois, former un dépôt de charbon pour les vapeurs, relever les défenses, assurer le mouillage par de solides corps-morts ; enfin, il fallait une garnison de cinq cents hommes au moins. Grace aux prévisions du commandant en chef, toutes ces conditions furent promptement et complètement remplies. Dès le lendemain de la prise, des navires chargés d’eau, de boeufs, de charbon, de vivres, de matériaux, arrivaient au rendez-vous qui leur avait été assigné. Malgré les difficultés des communications, l’armement et l’approvisionnement furent complétés en peu de jours. On tira des vaisseaux tout ce qu’ils purent fournir de vivres, ancres, chaînes, canons, poudres, projectiles, ustensiles de toute espèce ; et, lorsque le commandant en chef quitta les lieux pour se rapprocher de ses communications et se rendre à Cadix, son départ fut salué par une batterie de canons de 30 et d’obusiers de 22 centimètres, avec épaulement en terre, établie à la pointe nord de l’île et dominant la ville et ses défenses ruinées.

Tel était, au départ du commandant en chef, l’état de l’occupation ; mais, pour arriver à ce résultat, on avait épuisé en vivres et en charbon les ressources de Cadix, de Gibraltar et de Malaga ; il avait fallu agrandir le cercle de ravitaillement et le pousser jusqu’à Lisbonne, y passer des marchés, acheter des vivres et noliser des navires. Le compte de ces dépenses serait facile à faire ; on pourrait en établir le chiffre exact et savoir tout ce qu’a coûté cette occupation. Quoi qu’il en soit, le but était atteint : on avait conquis un gage dont la possession demeurait assurée jusqu’à l’époque où de nouvelles opérations deviendraient praticables ; on était maître d’une position importante qui pouvait servir de point de départ et de base d’opération pour une nouvelle et plus décisive campagne. La France, victorieuse à Isly et à Mogador, pouvait parler haut et ferme ; elle pouvait davantage : elle avait conquis le droit de se montrer grande et généreuse.

Ce n’est pas ici le lieu, et il ne nous appartient pas d’ailleurs d’examiner les conditions du traité qui intervint. Témoin et acteur dans les opérations militaires qui ont amené ce traité, nous voulons seulement examiner rapidement ces opérations, montrer le but que l’on s’était proposé, les moyens employés pour l’atteindre, et rechercher si, dans des circonstances pareilles et en prévision de difficultés nouvelles, ce but ne pourrait pas être atteint aussi sûrement et à moins de frais.

La côte du Maroc présente quatre points principaux sur lesquels on peut exercer des hostilités : Tanger dans le détroit, presqu’en face de Gibraltar ; puis, sur l’Océan, Larrache, Rabat ou Salé, et Mogador. Cette côte est battue presque incessamment par la grande houle du large. Pendant la belle saison, il y règne de fortes brises du nord avec de rares et courtes accalmies. D’octobre en avril, elle est visitée par des vents du nord-ouest au sud-ouest, et l’on sait, par de récens naufrages, que le courant porte en côte. Tel est le théâtre sur lequel on aurait à opérer. D’après ces données, et en consultant les règles ordinaires de