Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
444
REVUE DES DEUX MONDES.

elle n’a pas besoin de vous. Je plaisantais, monsieur, et je mettais votre noblesse d’ame à l’épreuve. Et se tournant vers MUo de Boutteville, le prince ajouta :

— Je vois bien que ce galant chevalier vous accepte pour dame, parce qu’il n’ose me refuser, ma pauvre Angélique.

— N’insistez point, monsieur le duc, dit la fausse bavolet te ; ce badinage est assez mortifiant pour moi ; je me souviendrai de cet affront, monsieur Thomas.

— Ne pleurez pas, reprit le duc d’Enghien, je vous trouverai un autre amoureux.

— Hélas ! dit Angélique en feignant de pleurer, c’était celui-là que j’aurais souhaité.

— Voilà qui est sérieux alors, murmura le prince. Monsieur Des Riviez, accommodons-nous : voulez-vous fiancer votre fils ? Je me charge de lui.

Le major fit une grimace de possédé.

— Monseigneur, dit-il, ce serait pousser la plaisanterie un peu bien loin.

— Considérez, mon cher, que de ces deux jeunes filles, l’une est de telle qualité que votre garçon ne saurait prétendre à sa main ; l’autre, à la vérité, est d’une condition au-dessous de la vôtre, mais, en se mariant, on élève sa femme jusqu’à soi. Si messire Thomas déroge à la haute naissance des Riviez, je l’en récompenserai quelque jour. Qu’il choisisse donc entre les deux jeunes filles. S’il prend l’une, ce ne peut être qu’une plaisanterie ; s’il se détermine en faveur de l’autre, ce sera tout de bon, et j’en ferai mon affaire.

— Tenons-nous où nous sommes, monseigneur, et que le badinage commencé demeure badinage.

— C’est votre dernier mot ?

— Le dernier, monseigneur, bien décidément.

— Comme il vous plaira, reprit M. le duc. Je vais donc vous expliquer l’énigme. Cette jeune fille, habillée en bavolet te et qui a essuyé vos mépris, est ma cousine, Angélique de Montmorency-Boutteville. Cette autre, vêtue en personne de qualité, est une petite paysanne du village de Saint-Mandé. Sa mère vend du lait à la porte Saint-Antoine. Ma femme, qui joue encore à la poupée, s’est amusée ce matin avec d’autres enfans à tous ces déguisemens. C’est donc d’une véritable bavolet te que votre fils se déclare le serviteur ; mais il est entendu que ceci est une plaisanterie, et que vous m’avez assez mal fait votre cour. Adieu, major.

Des Riviez, les yeux ronds et la bouche ouverte, se tira la barbe d’un air qui signifiait : o J’ai commis une bévue en voulant jouer de