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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/463

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LA BAVOLETTE.

— Elle est, ma foi, charmante ! dit un gentilhomme ; j’en soulagerai volontiers de Bue, lorsqu’il n’en voudra plus.

Ces propos, accompagnés de rires pleins d’insolence, auraient indigné Claudine, si de plus graves pensées ne lui eussent occupé l’esprit. M. de Bue paraissait un peu honteux de la compagnie d’une bavolet te.

— Ma mie, dit-il d’un ton presque railleur, voici la princesse de Montpensier ; ne serait-ce pas votre inconnue1 ?

— Non, répondit Claudine, mon inconnue était plus belle… Mais attendez donc : ne la vois-je pas assise à l’écart dans cette allée ? Je la reconnais à son visage d’ange et à sa riche parure : c’est elle ! c’est la princesse !

Claudine courut à la dame mystérieuse, et lui embrassa les genoux sans pouvoir proférer une parole.

— Relève-toi, ma fille, lui dit la dame avec bonté ; il ne faut point faire de scène devant tous ces indifférens. Tu es malheureuse, puisque je te revois ; mais ne t’ài-je pas promis assistance ? Calme-toi donc, et conte-moi tes chagrins.

La bavolet te entreprit avec volubilité un récit de ses infortunes, souvent interrompu par des pleurs, et dans lequel la dame démêla comme elle put la vérité.

— Tu as commis une imprudence, dit-elle, en attendant cinq ans pour vendre mon bracelet. J’avais donné le mot à Cambrai, et je n’y avais plus songé. Si j’eusse été morte, Dieu sait comment tu aurais échappé à l’infamie ! Je suis donc bonne à quelque chose en ce monde. Suis-moi. Cette journée nous sera heureuse à toutes deux.

M. de Bue s’était approché. Il salua la dame en personne de connaissance.

— Je n’ai guère eu de sagacité, lui dit-il familièrement : j’aurais dû deviner que la princesse adorée de cette bavolet te était la femme la plus prodigue qui fût sur la terre ; mais j’ai découvert qui vous avait donné ce bracelet.

— Le président de Chevry, répondit la dame ; je n’en fais pas mystère. — Allons, Claudine, partons sans différer. — Adieu, de Bue.

— Au revoir, princesse, dit le gentilhomme d’un ton peu respectueux.

La dame fit monter Claudine dans un carrosse magnifique, et donna l’ordre à ses gens de la mener chez maître Labrosse. L’orfèvre vint sur le pas de sa boutique, le bonnet à la main.

— Vous avez pensé être cause d’une injustice et d’un malheur, lui dit l’inconnue. J’avais donné le bracelet du président de Chevry à cette petite fille : où est-il à présent ?

— Au greffe du Chàtelet, répondit l’orfèvre.