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— Venez avec moi le chercher.

On se rendit au Châtelet, qui était tout proche du Pont-au-Change. La dame laissa Claudine dans sa voiture, et descendit avec l’orfèvre. Au bout d’une heure, ils revinrent tous deux.

Maître Labrosse, dit l’inconnue en mettant le bracelet au bras de

Claudine, combien estimez-vous ce joyau ?

— Cinq cents pistoles, répondit Labrosse.

Votre méprise me coûtera cher, car, en dédommagement de ses

chagrins, je prétends donner à ma protégée le prix du joyau et le joyau par-dessus le marché. Si plus tard elle vous le rapporte, souvenez-vous, cette fois, qu’il lui appartient bien et dûment.

L’orfèvre se confondit en excuses et rentra dans sa boutique en appelant l’inconnue mademoiselle. Claudine apprit ainsi que la princesse n’était point mariée. Le carrosse passa par une quantité de rues et s’arrêta devant un petit hôtel. Tout y respirait le luxe. Les pieds n’y foulaient que des tapis moelleux. La princesse remit à sa protégée une.grosse bourse remplie d’or. Elle lui fit servir une collation, après quoi elle lui donna des robes de soie, des dentelles et des rubans, en disant qu’on ne pouvait porter un si beau bracelet avec le bavolet de toile et les cotillons de laine.

— Mon enfant, ajouta l’inconnue, j’attends de la compagnie ; emporte cette défroque. Mes gens te vont reconduire à Saint-Mandé. Tu reverras ta mère ce soir. L’ordre d’élargissement sera signé avant la nuit. Sois toujours sage. Embrasse-moi et ne m’oublie pas dans tes prières. Je m’appelle Marie, comme la sainte Vierge.

— Hélas ! mademoiselle, s’écria Claudine, faut-il déjà que je vous perde ? Ne pourriez-vou6 me donner une place parmi vos femmes ? Pour vous voir, je serais volontiers la dernière de vos servantes.

— Impossible ! répondit l’inconnue ; ta place n’est point ici ; reste dans ton village.

La bavolet te couvrit de baisers les mains de sa bienfaitrice et se retira le cœur tout gonflé de soupirs. On la fit monter dans le carrosse à quatre chevaux, et en moins d’une demi-heure elle fut à Saint-Mandé. Maître Simon, occupé à ivrogner depuis le matin, n’était point au logis. Pour passer le temps jusqu’au retour de sa mère, Claudine quitta son bavolet, se para d’une belle robe et compta ses pièces d’or en bénissant mille fois le nom de la princesse Marie. La triste aventure du bracelet finissait de la plus heureuse façon du monde. Quels cris de joie allait pousser dame Simonne à la vue de tant de bien ! En sortant de prison, l’aisance, avec toutes se6 douceurs, l’attendait dans sa masure. Elle allait être la plus riche paysanne de son village. Au milieu de ces agréables pensées, la bavolet te entendit un carrosse s’arrêter devant la maison. Elle ouvrit la porte avec empressement et se trouva en face