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au fond, les tendances ont toujours été les mêmes ; des esprits prévenus ont pu seuls reprocher à notre politique un changement d’attitude. La contradiction n’a jamais été qu’apparente. Il est vrai, nous avons commencé par combattre en Suisse l’influence de l’Autriche, puis nous avons fini par y joindre la nôtre ; mais en 1830 et 1831 qui protégions-nous contre l’action compressive du dehors, sinon les opinions modérées accomplissant alors judicieusement, selon le droit et selon l’équité, les réformes que réclamaient les institutions intérieures de plusieurs cantons helvétiques ? Et en 1846 et 1847 qui défendions-nous, sinon encore ces mêmes opinions conservatrices, résistant, selon le droit et l’équité, aux prétentions oppressives du parti radical ? Si donc nous avons agi d’abord en opposition avec l’Autriche, nous avons cependant, à ces deux époques, soutenu identiquement les mêmes principes, les seuls qui pussent assurer d’une façon stable le repos intérieur et l’indépendance véritable de la Suisse.

En 1847, le gouvernement français en était arrivé, après mûres délibérations, à se convaincre que le sort du parti conservateur, le seul dont la Suisse peut attendre son salut, était à tout jamais compromis, si la France et l’Autriche continuaient à faire de ce malheureux pays le théâtre d’un perpétuel antagonisme. Avec la même indépendance de jugement qui lui avait fait tenter des efforts inutiles, il est vrai, mais sincères et répétés, pour s’entendre avec l’Angleterre au sujet des affaires de la Grèce, par les mêmes mobiles désintéressés qui l’avaient plus récemment décidé à agir à Lisbonne de concert avec cette puissance, le ministère du 29 octobre résolut de traiter désormais avec l’Autriche des affaires de la Suisse avec plus d’ouverture qu’il n’avait fait jusqu’alors.

Les instructions remises à M. de Bois-le-Comte, nommé à Berne vers la fin de décembre 1846 pour y remplir le poste d’ambassadeur de France, lui signalaient, dans la rivalité qui avait régné habituellement entre les agens français et autrichiens, une des causes les plus évidentes du succès des radicaux suisses. « La position respective des deux grandes puissances limitrophes de la Suisse a subi les effets des changemens qu’éprouvait la situation intérieure de ce pays. Sous la restauration, la France et l’Autriche, ne voyant dans la Suisse qu’une position militaire à s’assurer le mieux possible l’une contre l’autre, s’y trouvaient en rivalité. Les événemens de 1830 avaient rendu plus vive cette rivalité, par la crainte imminente de la guerre, et y avaient ajouté la rivalité des opinions. La France avait pris sous sa protection les nouvelles révolutions renfermées d’abord dans des conditions libérales qui répondaient aux nôtres. L’Autriche s’était alliée à l’ancienne aristocratie, qui se considérait elle-même comme solidaire du régime détruit chez nous. Cette position s’est changée par degrés. D’une part, les révolutions