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ont concouru dans ces derniers temps à diminuer la juste influence de cette classe … Je suis profondément frappé de ce fait, que le grand nombre des personnes parmi lesquelles la richesse est distribuée dans des proportions considérables et pourtant égales, l’éducation suffisamment bonne qui accompagne cette richesse, la puissance des forces physiques et des forces morales qui sont ainsi réunies dans une population à laquelle l’ordre et la liberté sont également nécessaires, tout cela constitue un état de choses dont on n’a vu nulle part l’exemple. C’est là ce qui m’encourage à penser que la cause libérale n’est pas encore perdue en Angleterre. »

Horner avait raison, les whigs sont demeurés comme une coterie influente, mais depuis long-temps ils ne forment plus un parti. Depuis Fox, ils ont eu quelquefois le pouvoir entre les mains, mais ils n’ont pu l’exercer qu’à la condition de le partager, soit avec O’Connell, soit, comme aujourd’hui, avec les radicaux. Ils n’ont pu jamais gouverner par leurs propres forces ; ils ont été les précurseurs des classes moyennes. Après 1815, on vit apparaître en Angleterre des idées analogues à celles que la révolution de 1789 a fait prévaloir en France ; il se fonda, pour défendre et propager ces idées, une revue, aujourd’hui bien déchue, mais qui jeta pendant dix ans un vif éclat, la Revue de Westminster. Les élèves de Bentham y émirent sur l’éducation, sur la sécularisation nécessaire de l’enseignement, sur les rapports des individus et de l’état, sur le rôle de l’église en tant que corporation au sein de la société civile, sur les relations des pouvoirs, sur la distribution des droits et de l’influence politiques, des opinions qui sont vulgaires en France, mais qui sont beaucoup moins populaires de l’autre côté du détroit. Ces mêmes opinions furent représentées dans le parlement par un certain nombre de députés qui votaient avec les whigs en se distinguant d’eux. C’étaient presque tous des hommes d’une fortune indépendante, d’une éducation brillante, d’un esprit orné, quelques-uns alliés à de grandes familles, ne se séparant de l’aristocratie que par leurs opinions, apportant dans les discussions parlementaires ces habitudes de raisonnement philosophique, ce goût de la métaphysique, qui distinguèrent en France les orateurs de la constituante et de la législative. Ils jouèrent un rôle actif et considérable au moment de l’émancipation des catholiques et de la réforme électorale ; ce furent eux qui entraînèrent les whigs quand ils allèrent se heurter contre l’église d’Irlande. Depuis, quelques-uns ont disparu de la scène politique, d’autres se sont laissé absorber par les vieux partis ; M. Hume, le doyen de la chambre des communes, le colonel Thompson, M. Roebuck, sir William Molesworth et quelques autres encore représentent dans le parlement actuel cette fraction jadis influente, aujourd’hui éclipsée.

Le rôle d’avant-garde appartient, en effet, maintenant à ceux qu’un