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du riche, et ce patrimoine doit être administré avec prudence. Si la misère donnait un droit, la bienfaisance cesserait d’être libre : ce ne serait plus, par conséquent, la bienfaisance. D’un côté, il y aurait des créanciers, de l’autre des débiteurs ; des créanciers exigeans, des débiteurs ruinés et insolvables. Il n’y aurait plus de charité, plus de reconnaissance, et ainsi disparaîtraient à la fois les deux sentimens, les deux vertus qui ont le plus contribué jusqu’ici à rapprocher les hommes et à les unir.

La misère ne peut donc pas constituer par elle-même un droit à l’assistance ; mais la société n’en doit pas moins secourir les malheureux dans la limite de ses ressources. C’est un devoir d’humanité, et ce devoir, quoi qu’on ait dit, la société monarchique n’y a jamais manqué. Ceux qui l’ont accusée d’indifférence pour les classes pauvres l’ont calomniée. Ce n’est pas la société monarchique, il est vrai, qui a créé la nouvelle acception du mot assistance, les mots de charité et de bienfaisance lui suffisaient ; mais ce n’est pas non plus la révolution de février qui a couvert le sol de la France de tous ces établissemens charitables qui font l’honneur de notre civilisation. Ce n’est pas la révolution de février qui a fondé les sociétés de maternité, les crèches, les salles d’asile, les sociétés de patronage, les colonies pénitentiaires et agricoles, les établissemens destinés aux enfans trouvés, ceux des sourds-muets et des jeunes aveugles ; ce n’est pas elle qui a réglé le travail des enfans dans les manufactures ; les caisses de secours mutuels, les caisses de retraite, les caisses d’épargne, ce n’est pas elle qui les a instituées ; et ces grandes aumônes que le budget, dans des calamités exceptionnelles, a offertes plus d’une fois à des populations entières, ce n’est pas la révolution de 1848 qui les a votées. Tout cela est l’œuvre de cette monarchie impitoyable et de cette société qui aimait la monarchie plus qu’elle ne la soutenait. L’oeuvre n’est pas complète ; elle ne le sera jamais. Il y aura toujours des pauvres et des riches, à moins qu’un jour il n’y ait que des pauvres ; mais tous les moyens de diminuer le mal sont connus et appliqués. Le système est créé ; il ne reste plus qu’à le développer. Ce système, qui repose sur l’action combinée des individus et de l’état, ne pouvait convenir par cela même aux économistes de février, dont la chimère a été de vouloir que l’état fût chargé de tout dans la société. Ils avaient voulu faire de l’état un entrepreneur universel, un banquier universel, un instituteur universel ; ils ont voulu en faire également la providence universelle des pauvres, comme si sa bourse devait y suffire, et comme si d’ailleurs son caractère convenait à une pareille tâche. La bienfaisance n’est pas une affaire d’administration et de police. La charité individuelle, par sa discrétion et sa délicatesse ; la charité religieuse, par les consolations sublimes qu’elle joint à l’aumône, feront toujours plus, pour le pauvre, que la charité de l’état, qui paie l’aumône à bureau ouvert, qui ne peut connaître les misères cachées, et qui n’a rien de ce qu’il faut pour les consoler. L’état ne peut intervenir utilement que là où la charité individuelle et la charité religieuse sont impuissantes. Il leur sert de complément. En dehors de ce système, il n’y a rien de vrai ni de praticable. Il n’y a q e des théories qui bouleversent tous les principes sociaux ; il n’y a que des mensonges ou des erreurs, qui finissent toujours par aboutir à ceci : une banque universelle, un crédit universel, autrement dit le papier monnaie et la banqueroute.