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France. La difficulté était sérieuse. Une lettre du prince de Noër-Augustenbourg au duc indique à cet égard, sans circonlocutions diplomatiques, le plan que la famille entendait suivre. « A ta place, dit le prince de Noër, j’écrirais au roi Léopold, et je lui demanderais s’il ne serait pas possible d’obtenir une promesse de garantie en faveur de tes droits de la part de la France et de l’Angleterre. Ensuite, je me rendrais promptement à Berlin et à Vienne avec le même but ; de Vienne j’irais par Bruxelles éventuellement à Paris et à Londres. Je te recommande d’ailleurs la plus grande circonspection en parlant des Danois, soit en public, soit en particulier, car tout est rapporté… Brûle cette lettre après l’avoir lue. »

Le duc trouva, en effet, de l’appui à Berlin, dans quelques petites cours, notamment auprès du poète-roi de Bavière. À Vienne, il eut moins de succès. Enfin, aux renseignemens qui lui vinrent de Paris et de Londres, il vit promptement qu’il n’y avait rien à tenter de ce côté. Ne pouvant compter sur les gouvernemens, il fit faire auprès de quelques journaux de Paris et de Londres les démarches qui avaient si bien réussi en Allemagne. Quelques-uns se laissèrent prendre au prétexte de nationalité mis en avant par le parti germanique du Holstein ; mais, sitôt que la question eut été élucidée par la discussion, il n’y eut plus, en Angleterre et en France, qu’un seul et même sentiment. L’on tint pour incontestable que le droit et le bon sens étaient du côté du Danemark. Quel était donc le véritable état des choses après tant d’activité dépensée ? Les Allemands du Holstein et ceux du Schleswig étaient profondément remués. Les Danois du Schleswig, loin de s’associer à ces agitations, poussaient des cris d’alarme et suppliaient le gouvernement de prendre des mesures pour garantir l’unité du royaume. Toute la presse allemande servait le duc avec chaleur. Le roi de Prusse l’appuyait dans des vues que l’on connaît, sachant bien que si ce duché de Schleswig-Holstein devenait jamais indépendant du Danemark, ce serait pour tomber sous l’influence, peut-être même sous la domination de la Prusse. L’Angleterre et la, France, secondées par l’Autriche, donnaient, au contraire, au roi de Danemark des assurances de bon vouloir, et "l’encourageaient à prévenir, par quelque mesure énergique, les difficultés qui pouvaient surgir de cette question. La lettre-patente publiée en juillet 1846 était due en partie à ces encouragemens.

Les princes d’Augustenbourg n’ignoraient point que le roi Louis-Philippe, en particulier, mis de bonne heure au courant du débat, et mu par des sentimens très amicaux pour le roi de Danemark, avait pris ses intérêts fort à cœur. Aussi la révolution de février fut-elle accueillie avec enthousiasme par la famille d’Augustenhourg. Le prince de Noër en eut le premier connaissance. Sur-le-champ, il écrivit au duc : « Je t’envoie ci-jointes les importantes nouvelles de Paris, lui dit-il. Qu’est devenu maintenant le soutien de la lettre-patente (le roi des Français), lui sur l’autorité duquel le Danemark s’appuyait avec confiance ?… Que va devenir Metternich avec sa stupide politique ? La première chose que fera la France, ce sera d’exiger une constitution pour le Milanais et de, voler au secours des Italiens. Que la Prusse prenne garde à ses provinces rhénanes. Le roi des Belges peut également faire son paquet. Bref, dans le moment actuel, tout chancelle. » C’était la situation la plus favorable que les princes d’Augustenbourg pussent désirer. Ils redoublèrent donc d’activité