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à sa cause, et il n’a pas dédaigné de prendre maintes fois la plume, de combattre à côté des journalistes mis par lui en avant pour séduire l’opinion populaire. Le pastoral se mêle plus d’une fois aux raffinemens de la diplomatie ; le merveilleux intervient même par instans. Tandis que les publicistes compulsent et commentent la fameuse charte de 1460 et semblent prendre à tâche d’endormir l’Europe entière, de tendres jeunes filles brodent des drapeaux, d’autres font circuler des pétitions ; les associations musicales, les Liedertafeln, chantent les chants du pays, des hymnes patriotiques, ou bien encore des agens dévoués du prince, travestis, s’en vont, à la faveur de la nuit, tenter tel ou tel journaliste dont la conscience résiste. Il était plus facile d’entraîner les Allemands du Holstein que les Danois du Schleswig, et cependant l’ingénieuse hypothèse du duché-uni de Schleswig-Holstein échouait radicalement, si les Danois, qui forment la majorité du Schleswig, refusaient de prendre part aux manifestations habilement ménagées par le chef présomptif de ce duché. On mit donc un soin particulier à séduire les Danois du Schleswig.

Dans une lettre du 15 novembre 1843, un pasteur Lorenzen, qui s’était chargé de diriger cette besogne, donne au duc le conseil de renoncer pour l’instant au projet d’une association patriotique dont celui-ci avait conçu le plan. Le pasteur Lorenzen annonce que les agens envoyés pour fonder cette association manquent d’habileté, et qu’il est nécessaire d’en chercher d’autres, entourés de plus d’estime et de confiance. Comme les obstacles viennent surtout des paysans danois, il est indispensable de fonder un journal populaire, et, comme ces paysans ne comprennent point l’allemand, il importe que le journal soit publié en danois. M. Wegener ajoute, d’après les pièces officielles, que le duc approuva la proposition, fournit de l’argent et envoya des agens à un imprimeur de Sonderbourg avec de fortes sommes, tandis qu’un autre agent plus intime s’y rendait la nuit. L’imprimeur résista quelque temps, dans la crainte de perdre tous ses abonnés danois ; mais, le duc lui ayant fait présent d’une presse mécanique et s’étant engagé sur l’honneur à le soutenir, il se rendit. Les armes du Schleswig-Holstein, dessinées par la main du duc, furent imprimées en tête du journal. Après les armoiries vinrent les drapeaux, que l’on promena dans toutes les solennités où s’agitait le parti germanique. Un somptueux échantillon de cet étendard était sorti des mains des filles du duc d’Augustenbourg ; il fut déployé pour la première fois dans la fête chantante de Wurzbourg, en 1845, au milieu des initiés et des plus fidèles champions de la cause. L’enthousiasme fut grand, si l’on en croit une lettre d’un conseiller Jasper au duc : « Nous attendons avec une grande impatience, écrit-il de Schleswig, la belle bannière, présent digne de l’auguste donateur. Elle sera saluée avec admiration, reconnaissance et enthousiasme, non-seulement à Wurzbourg, mais dans tous les cantons de la patrie allemande. On dit que ce drapeau sera conservé ici, dans la maison du bailli Pauly, et aucun ordre arbitraire n’empêchera les pèlerins de s’y rendre en foule, comme tout récemment à la sainte robe de Trèves. »

L’important, après avoir enrôlé sous cette bannière la population germanique sur le terrain des duchés, était d’intéresser la publicité allemande à l’entreprise et de mettre sur pied le bon vieux Michel Allemand lui-même ; de là le voyage du duc en Allemagne. Il fallait plus, car l’intégrité du Danemark est garantie par les traités ; il fallait s’assurer le concours de l’Angleterre et de la