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le cours du Darro et du Xenil, la herta de Valence ; sans doute aussi, on trouve en Angleterre des régions dénuées de végétation : telle est la graille plaine de Salisbury, qu’on traverse en allant à Stone-Henge et qui fait penser à la campagne romaine ; mais ce sont des exceptions qui ne changent pas le caractère général du pays. La configuration géographique des deux contrées est profondément distincte l’Espagne est traversée par des chaînes abruptes et hérissées qu’on appelle sierras, ce qui veut dire scie ; ces sierras la partagent nettement en plusieurs bassins assez profonds. Il n’y a de division pareille dans la Grande-Bretagne que celle qui sépare l’Écosse méridionale de l’Écosse du nord. L’Angleterre même, sauf le pays de Galles, placé à la circonférence, et quelques parties un peu montueuses du centre, comme le Derbyshire, l’Angleterre n’offre guère à l’œil du voyageur que des collines arrondies et peu élevées ; les diverses parties du sol ne sont point séparées par des barrières difficiles à franchir : aussi l’unité nationale, qui a eu besoin d’un si long temps pour s’établir en Espagne, et encore imparfaitement, s’est-elle établie de bonne heure en Angleterre. Tandis que les Espagnes ne sont pas encore bien fondues en un même royaume, les sept royaumes saxons étaient déjà réunis dans les mains d’Egbert au IXe siècle.

Les rivières anglaises n’opposent pas non plus d’obstacle aux communications. Ce sont pour la plupart des cours d’eau d’une médiocre étendue, peu larges, peu profonds, qui glissent à fleur de terre dans un lit, qu’ils remplissent. Les fleuves, en Espagne, sont des torrens, en Angleterre des canaux.

L’aspect des populations ne diffère pas moins que l’aspect et la configuration des deux contrées. J’étais à Chester pendant les courses de chevaux ; je me retraçais, à cette occasion, ces divertissemens qu’en Espagne on appelle les courses et que nous appelons les combats de taureaux. Tout à coup, sur les verts pelouses de Chester, m’apparut l’amphithéâtre de Cadix, avec la voûte d’un ciel africain pour coupole et une foule ardente, tapageuse, bariolée de mille couleurs, échelonnée sur les mille gradins, cette foule qui, long-temps avant que le spectacle commence, s’agite et s’émeut du moindre incident, et, quand le spectacle a commencé, y prend part et y joue son rôle avec tant de passion. Je croyais entendre les rires, les sifflets, les cris d’admiration ou de rage à chaque phase du terrible drame. Je revoyais aussi le côté repoussant du tableau, le sang, ruisselant au soleil, les entrailles des chevaux traînées par eux dans la poudre, les picadores écrasés sous le poids de leurs montures ou lancés dans l’air par le taureau, contre lequel il ne leur est pas permis de se défendre sérieusement, car l’égorgement de la victime est réservé au toréador ; enfin cet égorgement renouvelé sept ou huit fois de suite, boucherie que, pour ma part, je