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Si le trésor est à couvert, quels sont donc les intérêts compromis ? On parle des intérêts du centre et de l’ouest et par là il faut entendre, non pas les intérêts des populations, mais ceux de quelques compagnies très ardentes dans le débat. La commission a fait à ces intérêts la juste part qui leur est due, droits de la ligne du centre ont été réservés pour l’avenir. S’il est reconnu plus tard que la liane de la Bourgogne ne suffit pas, celle du Bourbonnais pourra être complétée. Rien ne s’y oppose. Quant à présent, pour donner une satisfaction immédiate aux intérêts du centre, voici les concessions qu’on leur accorde. On rectifie le tracé du chemin de Lyon à Avignon ; le chemin prendra la rive droite du Rhône à la sortie de Lyon, et empruntera, jusqu’à Givors, les parcours du chemin de Saint-Étienne. Les tarifs différentiels seront interdits, Les transports d’Avignon à Givors seront payés, sur le même taux que les transports d’Avignon à Lyon. Enfin, pour dissiper toute appréhension de monopole, la commission consent à accepter deux compagnies, l’une de Paris à Lyon, l’autre de Lyon à Avignon, à la condition toutefois qu’elles seront solidairement responsables vis-à-vis l’état de l’exécution des clauses du cahier des charges. Il’ était difficile de faire plus sans donner gain de cause à des prétentions déraisonnables, et sans ruiner d’avance l’entreprise qu’il s’agit de fonder. Les intérêts du centre comprendront la nécessité de se calmer. Aucun engagement n’a été pris avec eux ; leur avenir est assuré ; ils sont suffisamment garantis contre le monopole : c’est tout ce qu’ils peuvent légitimement désirer, à moins qu’ils ne veuillent le monopole pour eux-mêmes, et c’est à quoi ils arriveraient en effet, si la ligne du centre devenait la ligne de Nantes à la Méditerranée.

Considéré sous le point de vue financier, le projet de la commission renferme une clause qu’il importe de signaler. Les sommes produites par les appels de fonds devront être versées au trésor. Des mains de l’état, elles passeront dans celles des entrepreneurs en paiement des travaux ; mais, comme les travaux iront nécessairement moins vite que les appels de fonds, il en résultera que le trésor au bout de quelques mois se verra dépositaire de fortes avances qui lui donneront le moyen de se libérer avec la Banque et d’attendre le moment favorable pour émettre un emprunt

Tel est, dans son ensemble, le système exposé par M. Vitet dans un rapport qui doit être cité comme un modèle de discussion financière. Ce système répond-il à toutes les objections ? Nous ne le pensons pas, mais il a le mérite d’offrir une solution immédiate, et c’est là aujourd’hui le point capital. Toutefois, nous insisterons sur un danger que la commission n’a pas évité, et qui a été jusqu’ici la plaie de toutes les entreprises de chemins de fer. Nous voulons parler de l’évaluation arbitraire de la dépense. L’honorable rapporteur reconnaît lui-même que le chiffre de 260 millions ne repose que sur des probabilités. Or, si la dépense excède ce chiffre, quel sera le sort des concessionnaires ? A quoi aura servi la garantie de 5 pour 100 ? Et si le découragement se jette encore dans l’entreprise, qu’arrivera-t-il ? On nous permettra de rappeler à ce sujet qu’il y a plusieurs mois, lors de l’apparition du projet de M. Lacrosse, nous avons parlé d’un nouveau plan de concession qui aurait justement pour but de soustraire les entreprises de chemins de fer au danger des évaluations incertaines. Ce plan consisterait, nous l’avons dit, à séparer, dans toute affaire de chemin de fer, trois élémens qui doivent demeurer distincts : l’opération