Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/769

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Combattu par lord John Russell, cet amendement a été rejeté, mais seulement à la majorité de 9 vois, parce que les tories, avec qui les radicaux n’avaient pas voulu voter, ne s’en étaient pas moins ralliés à l’amendement de M. Hume.

Voilà donc comment la situation se dessine ; d’après les premières discussions du parlement. Les tories sont sortis de leur réserve et ont pris vis-à-vis du ministère une attitude décidément hostile. Dans la discussion de l’adresse, le duc de Richmond et M. Disraëli ont nettement déclaré tous les deux qu’ils poursuivaient le renversement du ministère, pour arriver, par la dissolution du parlement, à un changement dans la législation sur l’agriculture. Les radicaux, trompés dans l’espoir d’obtenir dès cette année la réforme électorale, ont passé d’une cordiale coopération à la froideur, sans arriver encore à l’hostilité. Le sort du ministère dépend donc plus que jamais de l’attitude que prendront vis-à-vis de lui les amis de sir Robert Peel.

Les protectionnistes viennent d’obtenir un nouveau succès électoral ; le député de Colchester a donné sa démission, et lord John Manners, qui a échoué a Liverpool en 1846, et l’année dernier et à Londres contre le baron Lionel de Ruthschild, a été élu à une grande majorité. Les tories gagnent en lui un homme éclairé et un brillant orateur : ils faut accablé d’applaudissemens, quand il est venu reprendre son ancienne place à la chambre des communes. Des débats sérieux vont s’engager dans cette chambre sur une motion de M. Hume en faveur de la réforme électorale, sur une motion de M. Disraëli relative aux moyens d’alléger la situation de l’agriculture, et enfin sur les affaires de Grèce. Dans ces trois occasions, les partis se compteront d’une manière définitive.

On parle depuis quelques jours, en Espagne, d’une nouvelle tentative carlo-démagogique. Mis en circulation par la presse opposante et repoussé d’abord avec dédain par les journaux modérés, ce bruit a pris peu à peu assez de consistance pour que le général Narvaez, dans l’une des dernières séances du congrès, ait cru devoir faire allusion à la nécessité prochaine où serait le gouvernement de prendre des mesures énergiques pour le maintien de l’ordre. Quoi qu’il en soit, l’insuccès de cette coalition ne saurait être un seul instant douteux. Aujourd’hui comme en 1848 ; et plus qu’en 1848, les divers élémens qu’elle vise à réunir sous son drapeau sont ou annulés ; ou paralysés, ou mutuellement hostiles.

D’abord il n’y a pas de place en Espagne pour un parti républicain. Ainsi que nous l’avons démontré à plusieurs reprises, les intérêts sociaux de la Péninsule offrent cette transposition singulière, que l’esprit conservateur est représenté par le peuple, l’esprit de progrès par le trône et l’aristocratie. Le radicalisme espagnol n’est jamais parvenu à jouer un rôle actif qu’en se mettant à la suite des progressistes constitutionnels ; or, les idées démagogiques sont trop peu en faveur depuis deux ans pour que ce dernier parti se résigne à accepter leur concours. Sans base réelle dans le pays et isolés de la seule opinion qui pût leur communiquer quelque force, les radicaux ne peuvent donc apporter au moutémolinisme qu’un appui stérile et compromettant.

Le montémolinisme n’est lui-même qu’un mot. Les susceptibilités fuéristes et les griefs ecclésiastiques, c’est-à-dire les deux élémens constitutifs de l’ancien parti carliste, sont, aujourd’hui ou rassurés ou désintéressés. Les avances faite par le prétendant à l’esprit révolutionnaire suffiraient d’ailleurs pour les refouler dans le parti gouvernemental, s’ils n’y étaient déjà.