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moral qu’il désirait, il le chercha dans une assemblée de notables. Il convoqua au mois de novembre 1626 cinquante-cinq personnes de son choix, douze membres du clergé, quatorze de la noblesse et vingt-sept des cours souveraines, avec un trésorier de France et le prévôt des marchands de Paris. Gaston, frère du roi, fut président et les maréchaux de la Force et de Bassompierre vice-présidens de l’assemblée ; mais les nobles qui y siégèrent, conseillers d’état pour la plupart, appartenaient à l’administration plutôt qu’à la cour ; il ne s’y trouva ni un duc et pair, ni un gouverneur de province[1].

Devant cette réunion d’élite, dont les hommes du tiers-état formaient plus de la moitie, Richelieu développa lui-même tout le plan de sa politique intérieure[2]. L’initiative des propositions partit du gouvernement, non de l’assemblée ; une même pensée pénétra tout, les demandes comme les réponses, et, dans le travail d’où résulta le cahier des votes, on ne saurait distinguer ce qui fut la part du ministre et ce qui fut celle des notables. Des principes d’administration conformes au génie social et à l’avenir de la France furent posés d’un commun accord : l’assiette de l’impôt doit être telle que les classes qui produisent et qui souffrent n’en soient pas grevées ; — c’est dans l’industrie et le commerce qu’est le ressort de la prospérité nationale, on doit faire en sorte que cette carrière soit de plus en plus considérable et tenue à honneur ; — il faut que la puissance de l’état ait pour base une armée permanente où les grades soient accessibles à tous, et qui répande l’esprit militaire dans les classes non nobles de la nation. Quant aux mesures promises ou réclamées, les principales eurent pour objet l’abaissement des dépenses de l’état au niveau des recettes, et la réduction des dépenses improductives au profit des dépenses productives ; l’augmentation des forces maritimes en vue du trafic lointain ; l’établissement de grandes compagnies de commerce et la reprise à l’intérieur des grands projets de canalisation ; la sécurité des gens de travail garantie contre l’indiscipline des gens de guerre par la sévérité de la police et la régularité de la solde ; enfin, la démolition, dans toutes les provinces, des forteresses et châteaux inutiles à la défense du royaume.

L’assemblée des notables se sépara le 24 février 1627, et aussitôt une commission fut nommée pour rédiger en un même corps de lois les réformes nouvellement promises et celles qui devaient répondre aux cahiers des états de 1614. En même temps la plus matérielle, et la moins populaire de ses réformes, la démolition des forteresses, cantonnemens de la noblesse factieuse et de la soldatesque des guerres civiles, commença de s’exécuter. À chaque époque décisive du progrès

  1. La séance d’ouverture eut lieu le 2 décembre, dans la grande salle des Tuileries.
  2. Voyez son discours et celui du garde-des-sceaux Marillac, dans le procès-verbal de l’assemblée de 1626. (Des États-Généraux, etc., t. XIII, p. 207 et suiv.)