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DE LA DEMOCRATIE


EN LITTERATURE.




I. — Les Mystères du Peuple par M. Eugène Sue.
II. — Études sur les Hommes et les Mœurs au XIXe siècle, par M. Ph. Chasles.




Nous sommes engagés, chacun en a le sentiment invincible, dans une de ces épreuves du feu d’où il faut que le génie de la civilisation sorte épuré et rajeuni, s’il ne doit y manifester sa corruption et s’y consumer. Et ce qui la caractérise, ce n’est point seulement cette contrainte où s’est trouvée une société, qui croyait à son avenir, de se mettre sous la sauvegarde de la force, d’aller camper tout entière, la main sur le mousquet, à la lueur des étoiles, incertaine du lendemain ; c’est bien plutôt la profonde subversion morale qui prépare le tragique enchaînement de ces convulsions extérieures ; c’est le désordre effréné des esprits, l’égarement des ames, l’altération des sentimens et des idées ; c’est cette immense plaie de l’anarchie enfin, que l’incertitude entretient et envenime, qui s’aggrave par sa durée même, et finirait, en se prolongeant, par livrer un peuple usé à la fatalité des éruptions périodiques. Dans ce bilan de nos misères et de nos anxiétés, ne faut-il point compter aussi cet état compliqué où sont tombées les lettres elles-mêmes, état d’incohérence et de décomposition où elles se débattent, attendant un peu d’air salubre qui ne vient pas ? Oui, pour tout homme qui réfléchit, cette défaillance du principe intellectuel est un des élémens de la crise que nous traversons à grand’peine ; mieux encore, elle l’exprime, elle en est l’image. Je n’énoncerai point une vérité nouvelle en rappelant quelle intime connexité existe entre