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La tâche des hommes qui gouvernent est donc beaucoup plus simple et plus facile aux États-Unis que partout ailleurs ; mais leur considération en est diminuée d’autant, car l’importance du pouvoir se mesure d’ordinaire à la grandeur des difficultés qui l’entourent et à la gravité de la responsabilité qu’il supporte. Les États-Unis, en plusieurs occasions, ont pu laisser impunément de côté les hommes les plus distingués par le talent, par l’expérience, par la probité politique, et élever à la dignité suprême des hommes d’une extrême médiocrité. Leurs affaires, jusqu’ici, ne s’en sont pas plus mal trouvées ; mais la nation américaine a incontestablement abaissé le pouvoir qui est à sa tête, en le mettant à la portée de toutes les ambitions vulgaires, en montrant par plusieurs exemples que la possession du premier rang dépend moins de la valeur personnelle et des services rendus que du caprice populaire et des combinaisons des coteries politiques. Les partis eux-mêmes ressentent le contre-coup de cette diminution du pouvoir, car on mesure les hommes au but qu’ils se proposent. Chez les nations européennes, les partis ont des raisons légitimes d’existence dans la diversité des origines, des intérêts et des vues ; on peut ajouter qu’en des temps de lutte et de péril comme les nôtres, l’ambition la plus avouée a un côté désintéressé. Les partis peuvent dire, avec une apparence de fondement, qu’ils poursuivent le bien de leur pays dans leur propre triomphe, et que le pouvoir n’est pour eux que le moyen de faire prévaloir la politique la plus conforme à l’intérêt national, et quelquefois la politique nécessaire au salut de la patrie. Aux États-Unis, le but avoué des partis, c’est le pouvoir pour le pouvoir lui-même et pour les places qu’il permet de distribuer. Aussi les luttes des partis s’y élèvent rarement au-dessus des proportions d’une intrigue, et leurs péripéties dépendent d’influences individuelles et des plus mesquines rivalités de personnes. Jusqu’à ce jour, la fortune a souri sans relâche à la jeune nation américaine, mais il y a ici les germes d’un mal dont les Américains prévoyans appréhendent les rapides progrès. Ils s’alarment avec raison de la promptitude peu scrupuleuse avec laquelle en plus d’une occasion certains hommes politiques ont sacrifié les vrais intérêts et l’honneur de leur pays aux rêves ambitieux et à l’avidité conquérante de la multitude, se montrant plus jaloux d’acquérir ou de regagner une popularité d’un jour que de respecter la foi jurée et la justice. L’invasion du Texas et surtout la guerre du Mexique, dans laquelle les États-Unis ont acquis, au prix de beaucoup de sang et de plusieurs centaines de millions, une source de discorde et de luttes intérieures, sont de significatifs exemples. Aussi devons-nous dire que bien des gens, aux États-Unis, affectent de se tenir en dehors de tous les partis, et qu’une certaine défaveur s’attache déjà, dans l’opinion, aux hommes qui font de la politique ou leur