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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/936

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X


Depuis le temps où se passa cet épisode,
D’autres événemens plus dignes du rapsode
S’accomplirent. Ceux-là sont écrits au burin.
Ceux-là, la renommée aux cent bouches d’airain,
Aux trompettes de bronze assourdissant l’oreille,
Aux quatre coins du monde en a dit la merveille.
L’enfant d’Ajaccio joua long-temps encor
Avec les flots de neige, avec les sables d’or ;
Mais ces sables étaient devenus des armées,
Et ces pâles flocons des bombes enflammées.
Long-temps le général ou plutôt l’empereur
Frappa la terre encor de son talon vainqueur ;
Mais ce talon alors y laissait une trace,
Et la terre changeait toutes les fois de face.
Enfla, depuis les faits dont je viens de parler,
Tout un siècle, en vingt ans, venait de s’écouler,
Et l’aigle qui, parti des monts que la mer baigne,
Ne volait autrefois que de Corse en Sardaigne,
Avait, pendant ce temps, parcouru des chemins
Et des cieux inconnus à l’aigle des Romains.
Tant que Napoléon de victoire en victoire
Marcha, le principal héros de cette histoire[1],
Au seuil de sa maison, au penchant du Mont-d’Or,
Vécut, toujours couvert du plaid de Mac-Grégor.
Ni la soif des honneurs, troublant sa paix profonde,
Ni l’ouragan de fer qui balayait le monde,
Rien ne put arracher à son ciel indompté
Ce fils de la nature et de la liberté.
Mais si, du continent, une rumeur plus haute
Venait à s’élever ; si les forts de la côte,
Jusque dans ses vallons apportaient les échos
D’une victoire, alors, sortant de son repos,
Il se levait, allait trouver ses bœufs sauvages
Et, tuant de sa main le roi des pâturages,
Comme un prêtre d’Homère, à ce festin sanglant,
Le vieux chef invitait les hommes de son clan,

  1. Grand-père de l’auteur, et un des légataires de l’empereur ; il est inutile d’ajouter que tout le fond de ce poème, est historique.