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Si c’est à la Grèce qu’en veut la puissante Angleterre, si c’est la brebis du pauvre que le riche veut immoler, c’est bien misérable, Si c’est à quelque autre puissance que lord Palmerston veut s’attaquer, si c’est avec la Russie qu’il veut engager la grande querelle qui sera la fin de l’Europe, à quoi bon ces détours ? Quant à nous, nous ne voulons faire qu’une seule réflexion sur l’agitation de la politique de lord Palmerston. Il peut croire qu’il est bon que le continent, sans cesse occupé et troublé, n’ait pas le temps de se livrer aux travaux de l’industrie et de l’agriculture ; il peut croire qu’il est bon que la Suisse soit engagée à résister aux légitimes exigences de l’Allemagne, afin qu’il y ait une guerre ou une crainte perpétuelle de guerre sur le continent et que tout soit toujours tenu en suspens. Mais, quelles que soient les prévisions on les intentions de lord Palmerston, il est important que la France, dans les questions que suscitera l’Angleterre en Orient à propos de la Grèce, ou en Occident à propos de la Suisse, n’ait jamais qu’une politique purement française. La France a partout intérêt à la paix ; c’est son intérêt au dehors, c’est, son intérêt au dedans. Au dehors, elle a intérêt au statu quo, de l’Orient, car il n’y a pas de part pour elle dans le remaniement de l’Orient. En Allemagne, elle a intérêt au statu quo, car elle ne peut voir qu’avec peine s’affaiblir de plus en plus les petits états de l’Allemagne qu’elle a toujours protégés, et il est bien évident aujourd’hui que les révolutions et les guerres en Allemagne auront pour premier effet la destruction des petits états. Quant aux grands-états de l’Allemagne, la Prusse et l’Autriche, une guerre entre ces deux états les livrerait tous deux, affaiblis et épuisés, au protectorat de la Russie. La France a également intérêt au statu quo en Suisse, c’est-à-dire au maintien de l’indépendance helvétique, à condition que la Suisse ne fera pas de son territoire le champ d’asile des révolutionnaires européens ; car, si l’indépendance de la Suisse était menacée, et surtout menacée par une guerre engagée entre la révolution et, la contre-révolution, la situation de la France serait bien difficile le choix du drapeau lui serait impossible, et la neutralité pourtant lui serait impraticable. Voilà au dehors l’intérêt que la France a à la paix. Au dedans, l’intérêt est aussi grand. Il est des personnes qui croient que la guerre serait une utile diversion à l’esprit révolutionnaire qui nous dévore ; nous croyons, au contraire, que le premier effet de la guerre serait d’aviver encore la fièvre révolutionnaire, sans augmenter la force nationale. Nous reviendrons, s’il y a lieu, sur ce grave sujet. Nous ne voulons aujourd’hui qu’arriver à cette conclusion : c’est que, la guerre étant pour nous la plus périlleuse des chances, il ne faut nous y exposer que dans l’intérêt d’une politique toute française. Il ne faut faire la guerre que si nous ne pouvons pas faire autrement. La guerre inévitable est la seule qui ne soit pas un péril social.

En résumant, il y a quinze jours, les premiers débats du parlement anglais, nous disions que le sort du ministère whig nous paraissait dépendre plus que jamais de l’attitude que prendraient vis-à-vis de lui les amis de sir Robert Peel. Nous étions loin de prévoir que nos paroles recevraient si tôt la plus complète justification. Nous armons laissé en présence le ministère, entièrement rassuré par une majorité de plus de cent voix dans la chambre des communes, et la minorité protectioniste déconcertée par la désertion de quelques-uns de ses membres et l’abstention