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d’ouvriers militairement organisés à cet effet. Une machine à vapeur exige des mains plus exercées encore. Les approvisionnemens de l’armée en chaussures et vêtemens ont besoin d’être préparés d’avance et bien confectionnés, ce qui rend impossible d’en charger le premier venu, et d’attendre, pour les commander, qu’une crise ait éclaté. Quand l’industrie spéciale des constructions mécaniques est en souffrance, l’état déjà a contracté l’habitude de commander d’avance, autant que le budget le permet, quelque machine à M. Cavé ou à MM. Cail et Derosne, ou à M. Schneider. Il ne laisse pas non plus quelquefois de faire des demandes extraordinaires d’autres articles, pour empêcher les fabriques de fermer ; mais tout cela est extrêmement borné. Reste cependant que l’état a pris les devans sur la commission. Quand il s’agit d’occuper des bras tels que ceux des populeuses industries qui préparent les tissus de soie, de coton ou de laine, comme il faut les employer sans déplacement, il n’y a rien de mieux à leur proposer que de grands terrassemens, avec quelques muraillemens de l’espèce la plus commune. Ce que l’état pourrait faire, ce qu’il est répréhensible de ne pas faire assez, c’est d’avoir, dans les cartons du ministère des travaux public ou de la guerre, des projets de ce genre parfaitement étudiés, qui puissent, sur un signe du gouvernement, être mis aussitôt à exécution. Il est déplorable qu’après la révolution de février, à Paris même, on ait été réduit, faute d’avoir rien prévu, à des terrassemens puérils au Champ-de-Mars, à une gare inutile du chemin de fer de l’ouest au boulevard du Montparnasse, où l’on dépensera 8 millions au moins pour étendre une ligne de fer, de combien ? de 400 mètres. Il y a lieu de croire que si les ateliers nationaux du Champ-de-Mars et autres similaires démoralisèrent si profondément les hommes qui y étaient, réunis, il faut l’attribuer en partie à ce que ces ouvriers comprenaient qu’on les appliquait à des travaux dérisoires.

La commission a eu, relativement aux chômages, une autre idée, qui est encore moins pratique : ce serait que l’état s’abstînt de travaux publics aux époques où l’industrie privée est très occupée, et qu’il réservât « et ses travaux utiles et ses ressources financières » pour le moment où, « des milliers d’ouvriers se promenant oisifs sur nos places publiques, ils deviennent les dociles et funestes instrumens des factions. » A cet arrangement, il y aurait un double avantage, dit-on : pendant les jours de prospérité, on détournerait moins de bras de l’agriculture, on n’occasionnerait, pas une hausse factice des salaires et des matériaux, et, la crise venue, on aurait de la besogne à offrir aux ouvriers. La proposition n’est que spécieuse. L’état et l’industrie privée font l’un et l’autre de grands travaux dans les temps de prospérité, parce qu’alors les ressources abondent. Les particuliers ont fait des profits dont ils cherchent le placement, et l’impôt, par l’extension de la consommation