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et des affaires, rendant davantage, les chambres alors se montrent faciles pour ouvrir des crédits aux entreprises de l’état. État et particuliers, tout le monde entreprend plus dans les temps prospères que dans les temps calamiteux, quand on a des capitaux que quand on en manque. Ainsi a marché le monde, ainsi il marchera toujours. Les expédieras neufs que la commission propose, pour parer aux chômages, manquent donc d’efficacité.

Il est une observation utile que la commission pouvait mettre en relief à ce sujet : lorsque la bienfaisance privée est en éveil, l’autorité, en se concertant avec elle, obtient les plus heureux résultats. Une somme même médiocre peut suffire à adoucir les rigueurs d’une crise industrielle, pourvu que celle-ci soit locale, car, lorsque le chômage est la conséquence d’une catastrophe politique et qu’ainsi il est général, il n’y a pas de force humaine qui puisse empêchés les populations de souffrir, la société d’être envahie par la misère. La commission aurait pu fort opportunément rappeler comme un modèle à imiter ce qui se passa à Lyon il y a quelques années. On a une grande force en pareilles matières quand on s’appuie sur des expériences positives. En 1837, la crise des États-Unis eut un violent contre-coup à Lyon vingt mille ouvriers furent presque subitement sans travail. Une réunion libre de bons citoyens, qui, je le crois, existait déjà sous le titre de commission de prévoyance, se mit à l’œuvre de concert avec le préfet, qui était M. Rivet. Une souscription ouverte dans la ville produisit 55,000 francs ; M. le duc d’Orléans envoya 50,000 francs ; un concert donné à Paris rendit environ 20,000 francs : on eut en tout 127,000 francs. Qu’était-ce, pour couvrir une perte de salaires qui allait à 2 millions par mois ? Mais le zèle intelligent du préfet et des membres de la commission fit de ces 127,000 francs un trésor inépuisable. On donna une feuille de route aux ouvriers qui n’étaient pas Lyonnais, on en casa dans les villes du voisinage ; plusieurs, qui avaient des ressources, attendirent chez eux. On n’eut, en fin de compte, que six mille personnes à nourrir ; mais, à 1 franc par jour seulement, en trois ou quatre semaines tout l’encaisse eût été consommé. Le problème semblait donc insoluble. Au lieu de désespérer, la commission, puissamment soutenue par le préfet, se fit, à ses risques et périls, adjudicataire de divers travaux des ponts-et-chaussées et de la guerre, dont les plans étaient tout prêts, et dont l’utilité était constatée. Elle y distribua son monde avec un soin et un ordre remarquables, avec des attentions toutes paternelles. Dans les ateliers les plus éloignés de la ville, il y avait des cantines où l’on vendait les vivres au prix coûtant. On garantit un minimum de salaire de 1 franc 50 centimes ; mais, au-delà d’une certaine tâche, les ouvriers, devaient recevoir une haute paie proportionnelle à ce qu’ils auraient fait. Le tarif était assez large pour