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se passer du salaire que leur procure le travail précoce de leurs enfans, ils sont trop pauvres La réouverture des tours, encore une affaire de budget qu’entravera (en supposant que la mesure ait été jugée bonne en soi) la pauvreté publique ; de même l’établissement de colonies pénitentiaires pour les jeunes détenus. Le crédit, dont des novateurs brouillés avec les principes de l’économie sociale voudraient subitement étendre les avantages aux ouvriers par des procédés dénués de bon sens et d’équité, le crédit manque non-seulement aux ouvriers, mais à d’intelligens entrepreneurs d’industrie et aux cultivateurs, par divers motifs, dont le principal est que le capital est rare, ou que la société est pauvre. La modicité des salaires, qui empêche les ouvriers, ou beaucoup d’entre eux, de faire des réserves pour les temps de chômage, est l’effet de plusieurs causes, dont la plus puissante est que la société est pauvre. La colonisation obérerait le trésor et le public par la même raison, la publique pauvreté. Les dépôts de mendicité, quand bien même ils seraient irréprochables aux yeux du moraliste, ne sauraient se multiplier : l’obstacle est toujours le même. Une partie des logemens des ouvriers est d’une saleté hideuse, est fétide et malsaine ; parce que d’une part les entrepreneurs de bâtimens ne trouveraient pas assez de capitaux pour faire la spéculation d’en ériger de nouveaux, et, d’autre part, l’ouvrier reste dans ces bouges, parce qu’il n’a pas le moyen de payer le logement plus salubre qui est tout auprès. Ainsi de suite.

Arrêtons-nous un peu plus sur cette pauvreté collective de la société ; elle est le nœud de la question. C’est le sentiment de cette pauvreté qui aura paralysé la commission et lui aura inspiré l’humeur négative dont son travail est empreint dans toutes ses parties. La commission se sera dit qu’il était impossible de pousser plus avant l’action de la bienfaisance publique, que la société n’en avait pas le moyen. — Il n’est que trop vrai ; mais alors c’était à cette pauvreté collective de la société qu’il fallait s’attaquer. Là est le point stratégique ; il fallait y porter toutes ses forces.

La société est pauvre ; si l’on développe cette proposition, voici ce qu’on y trouve :

Le revenu brut de la société, ce fonds sur lequel elle vit en le régénérant sans cesse par son travail, et qu’elle augmente dans les temps réguliers, quand elle est sobre, sage et bien gouvernée, ce fonds est trop peu considérable, relativement à la population, pour que celle-ci tout entière ait de l’aisance. Une fois que la répartition de ce revend brut a eu lieu conformément aux principes sur lesquels se sont constituées civilement toutes les nations de l’Europe, la charité publique et la charité privée ont beau s’ingénier pour accroître la part des malheureux, cette part reste faible, insuffisante, non-seulement relativement à leur ambition, qui, par instans, sous le souffle des passions