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révolutionnaires, devient excessive, mais relativement aux vœux de la philanthropie la moins exigeante. Elle reste insuffisante, parce que c’est inévitable du moment que le fonds commun est exigu eu égard au nombre des parties prenantes. Les réformateurs contemporains ont presque tous imaginé qu’il fallait changer le mode de répartition des produits du travail, et leurs innovations ont consisté à proposer des modes de répartition qu’ils supposaient neufs, quoique ce fût quelque peu renouvelé des Grecs. Ces réformateurs se sont trompés : erreur fatale, qui, si l’on s’y laissait aller, nous conduirait à un abîme dont nous avons pu de l’œil mesurer la profondeur, car, après la révolution de février, la société française roula tout au bord. Les principes qui président aujourd’hui à la répartition des produits du travail sont ceux qui conviennent à une société libre ; ils découlent de la liberté même. La société ne peut s’y soustraire qu’en abjurant la liberté, et la prétendue organisation du travail qu’on opposait à ces principes n’eût organisé que la servitude et la misère générale. Ces principes, contre lesquels on a poussé beaucoup de clameurs depuis quelques années et surtout depuis la révolution de février, n’eussent pas cessé d’être entourés de respect, si l’on se fût souvenu que, de même que tous les principes sociaux, ils n’ont pu dire leur dernier mot du premier coup, et qu’ils sont, avec le temps, avec et par le progrès des mœurs, perfectibles dans leurs applications successives ; mais je n’ai pas ici à défendre ces principes : la commission ne les attaque point, elle en a garde ; ce qu’elle sait le mieux, c’est de faire la guerre, à ceux qui les dénigrent. L’amélioration populaire en masse, le bien-être de chaque ouvrier des villes ou des champs en particulier, dépendent de la grandeur de la richesse produite par le travail collectif de la nation et par chacun particulièrement. Le problème est de rendre fécond le travail de tous et de chacun. Une fois ce point obtenu, le reste, c’est-à-dire l’aisance générale et individuelle, ira de soi. S’il est une vérité bien établie aux yeux de ceux qui sont versés dans l’économie sociale, c’est celle-ci : à mesure qu’augmente, proportionnellement au nombre des hommes, la quantité de richesse produite par le travail de la société, la part qui revient à la foule, à l’ouvrier, devient plus grande, non-seulement en quantité absolue, mais relativement. Tout le monde s’en trouve mieux, mais c’est l’ouvrier qui reçoit le supplément le plus gros. Vérité consolante pour l’homme qui souffre ! vérité rassurante pour l’homme qui aime ses semblables, de même que pour l’homme d’état, auquel la misère, apparaît comme une cause de perturbations publiques, et qui cherche la paix de la société dans la conciliation des intérêts ! vérité qui n’est pas seulement démontrée par les raisonnemens et les observations de la science économique, mais qui aujourd’hui ressort comme un cri de la conscience du genre humain par l’esprit