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recueillir les moindres murmures de l’oracle intérieur et à publier, pour l’édification de tous, les résultats de son expérience spirituelle. Enfin, les ministres joints aux anciens ont leurs conférences spéciales où ils s’occupent des publications et de la police de leur ordre, et de temps en temps certains d’entre eux sont invités par les meetings à visiter les Amis des pays étrangers, afin de les exciter à la ferveur et d’entretenir avec eux des rapports d’amitié.

Dans tout l’ensemble de cette organisation ecclésiastique, les femmes ont une large part d’influence ; elles exercent le ministère, elles sont chargées de missions pastorales. À chaque degré de la hiérarchie, elles ont, comme les hommes, leurs réunions à part pour délibérer sur ce qui touche plus particulièrement leur sexe sous le rapport des mœurs, de l’éducation, de l’assistance des pauvres. Leur rôle cependant ne s’étend pas jusqu’au privilège de prendre part au gouvernement général. Le pouvoir législatif appartient exclusivement aux hommes, mais non aux ministres, qui ne sont en rien au-dessus des autres fidèles. Les meetings seuls jugent et statuent, et en principe tout quaker est pleinement libre de siéger, même dans les assemblées annuelles et trimestrielles, bien que de fait ces synodes supérieurs soient surtout composés de délégués.

La Société des Amis, on le voit, est une république démocratique ; elle a poussé jusqu’au bout les deux axiomes de Barclay. Tout homme, suivant elle, étant également doué du don de prophétie, elle n’admet aucune supériorité, pas même celle qui vient de Dieu, celle du mérite. La vérité ne pouvant être qu’une, elle ne laisse aux congrégations particulières aucune indépendance. Tous les membres de toutes les congrégations sont soumis à l’autorité absolue d’une convention populaire. Ne pourrais-je pas dire en d’autres termes : Ceux qui seraient en état de diriger doivent recevoir la loi de ceux qui auraient besoin d’être dirigés ? Quoi qu’il en soit, l’oracle individuel est loin assurément d’avoir conservé sa souveraineté. En admettant que la vérité était une, et que par conséquent nul ne pouvait contredire en acte ou en parole ce qui avait été manifesté aux évangélistes, aux prophètes et à Fox, sans être convaincu par cela seul d’avoir écouté un faux oracle ; en admettant cela, dis-je, et rien qu’en admettant cela, le quakérisme, lui aussi, s’était déjugé dès le principe. Pour peu que le démon des controverses s’en fût mêlé, il y avait là de quoi le ramener à un dogmatisme hargneux, et, au milieu des discussions, la morale eût fort bien pu déchoir de la haute place que lui avait assignée George Fox. Ce ne fut point là ce qui arriva cependant. L’esprit du siècle ou les tendances positives de leur race sauvèrent les Amis de cet écueil, et cela décida du sort de leur société. Les croyances y restèrent assez libres ; la conscience seule y fut remise sous l’empire d’une loi obligatoire.