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ressources se trouveraient dès-lors à peu près égales à celles de la Bolivie.

Santa-Cruz étant parvenu à faire partager ses projets au général Orbegoso, un nouveau traité fut conclu entre eux dans ce sens. Gamarra n’eut pas plus tôt connaissance de cette convention, qu’il fit secrètement proposer à Salaberry de s’unir à lui pour repousser les Boliviens : ils se seraient ensuite entendus entre eux sur la question de la présidence. Si Salaberry avait accepté, peut-être aurait-il pu résister à Santa-Cruz ; mais il n’ignorait pas que plusieurs de ses officiers étaient dévoués à Gamarra : il craignit d’être abandonné, sacrifié par eux ; il refusa. Gamarra, qui se trouvait déjà à la tête de forces assez considérables, crut pouvoir se prononcer seul, et se sépara ouvertement de ses anciens alliés. Ainsi trois partis, trois gouvernemens différens se trouvaient en présence et divisaient le Pérou : Orbegoso à Aréquipa, Salaberry à Lima, Gamarra au Cusco : triste état dans lequel ce malheureux pays s’est tant de fois trouvé depuis l’expulsion des Espagnols !

Avant de marcher sur Lima, il importait surtout à Santa-Cruz de détruire Gamarra, qui achevait de consolider son pouvoir dans les départemens du Cusco et de Puno. Les troupes boliviennes, réunies à celles d’Orbegoso, marchèrent en conséquence à sa rencontre. La bataille se livra dans les montagnes, près d’un petit village nommé Yanacocha (13 avril 1835). Gamarra fut entièrement défait, et les départemens qui venaient de le reconnaître obligés de se soumettre au vainqueur. Quant à lui, sans essayer même de réunir les débris de son armée, qu’il savait incapables de résister désormais, il alla chercher un refuge à Lima, où il avait encore des partisans.

Bien que Salaberry eût refusé de s’entendre avec Gamarra pour résister à l’ennemi commun, la ruine d’un chef qui pouvait faire une si puissante diversion en sa faveur n’en fut pas moins un coup terrible pour sa cause. Sans se laisser décourager cependant, et avec une force de caractère que peu de généraux ont montrée au Pérou dans des circonstances aussi difficiles, Salaberry résolut d’aller lui-même au-devant de ses ennemis. Un décret appela sous les drapeaux tous les hommes en état de porter les armes de dix-neuf à quarante ans. Étant parvenu à réunir ainsi quatre mille cinq cents soldats autour de lui, Salaberry leva son camp de Bella-Vista et se dirigea vers les départemens du sud. Soit, qu’après la défaite de Yanacocha il crût Gamarra dans l’impossibilité de lui nuire, soit plutôt qu’il sentît la nécessité de le ménager, il l’avait accueilli à Lima avec une sorte de bienveillance, et était même allé jusqu’à lui offrir la présidence du conseil de gouvernement qu’il y laissait à son départ. Gamarra, qui le premier avait trouvé Salaberry rebelle à ses propositions d’alliance, crut devoir refuser à son tour et feignit de vouloir rentrer dans la vie privée. Il