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avait parmi ceux mêmes à qui Salaberry avait confié les emplois les plus importans des hommes entièrement dévoués à sa cause, et il attendait ; mais il était difficile de cacher long-temps ses desseins à un chef aussi soupçonneux que Salaberry. Quelques semaines s’étaient à peine écoulées qu’un ordre arriva tout à coup d’arrêter Gamarra et cinq de ses plus chauds partisans. Conduits à Pisco, où se trouvait le quartier-général de l’armée, leur cause fut promptement instruite, et leur arrêt n’aurait pas tardé à être prononcé par celui qui avait fait fusiller le malheureux général Valle-Riestra, si Salaberry n’avait encore été retenu par la crainte de s’aliéner une partie de ses soldats. Les détenus furent condamnés à être déportés à Costa-Rica (13 octobre 1835).

Le général Santa-Cruz, de son côté, n’était pas resté oisif. Après avoir fait son entrée au Cusco, dont la défaite de Gamarra lui avait ouvert les portes, il se rendit à Aréquipa, où, toujours fidèle à son idée de fédération du Pérou et de la Bolivie, il voulait présider lui-même à l’érection du nouvel état sud-péruvien. Celui-ci devait comprendre les départemens du Cusco, Ayacucho, Puno et Aréquipa. Une assemblée devait se réunir à Sicuani le 26 octobre, pour poser les bases de la nouvelle constitution, et Santa-Cruz n’était pas fâché d’y faire peser son influence par la présence de son armée.

Pendant ce temps, Lima était en proie aux plus grands désordres. Salaberry, pour grossir les rangs trop faibles de son armée, en avait enlevé, en partant, tous les hommes chargés ordinairement de la police et du maintien de la tranquillité publique. Au milieu des agitations de la guerre civile, il s’était formé, aux environs mêmes de la ville, des bandes de montoneros, — espèce de guerillas que les troubles soulèvent toujours au Pérou, qui, sous le prétexte de défendre la cause d’Orbegoso, se livraient à des pillages que nulle force ne pouvait plus arrêter, et menaçaient même le gouvernement. Les choses en vinrent à ce point que le colonel Solar, qui commandait à Lima pour Salaberry, dans la crainte de ne pouvoir leur résister, si la ville était attaquée sérieusement par eux, ordonna à tous les employés de se rendre au Callao, où il voulait établir le siège du gouvernement, pour le mettre à l’abri d’un coup de main hardi, mais possible.

Le Callao est le port de Lima ; une distance d’environ deux lieues le sépare de la ville. Il avait alors peu d’importance ; mais les Espagnols y avaient construit une forteresse magnifique, dont les feux peuvent balayer, d’un côté, la rade qui s’ouvre devant elle, et, de l’autre, la route entièrement découverte de Lima. C’est là que Solar se retira momentanément avec la famille de Salaberry et le peu de soldats qui lui restaient. Dès-lors Lima, entièrement abandonné par les troupes, fut rempli de montoneros (26 décembre), et on aurait pu avoir à déplorer les plus grands excès, si des marins débarqués des bâtimens de guerre