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nous sût le faire, aujourd’hui plus que jamais, pour écarter tant de systèmes menteurs et tant de séductions meurtrières. Que l’homme se connaisse enfin et se retrouve, il retrouvera la Divinité, les lois de l’ordre, les voies bienfaisantes du progrès.

Les peuples aussi, comme les individus, doivent rentrer en eux-mêmes et renouer la chaîne brisée de leurs traditions ; alors seulement les mascarades auront cessé, et les races humaines reprendront, avec leur primitive énergie, leur place et leurs fonctions dans le monde. Où est la précision, la droiture, la courageuse netteté de l’esprit français ? Qu’est devenu le généreux spiritualisme de l’Allemagne ? C’est bien ici que s’appliquent ces fortes paroles de Fénelon : « Ils sont fugitifs et errans hors d’eux-mêmes. » Tant que le loyal bon sens de notre pays ne se sera pas débarrassé des hypocrisies du socialisme, tant que le spiritualisme allemand n’aura pas vaincu à jamais les doctrines abjectes de l’école hégélienne, il faut renoncer aux développemens de la vie et aux œuvres fécondes. Les communications si fréquentes qui unissent désormais les peuples offrent de graves dangers à côté de leurs bienfaits sans nombre : le plus grand de ces dangers, c’est l’imitation des vices d’autrui, l’abandon du caractère et des vertus nationales. Un peuple infidèle à ses instincts ne peut produire qu’une littérature factice ; les génies les plus spontanés doivent toujours quelque chose à la tradition de leur pays, et, si cette tradition leur manque, poésie et philosophie ne sont plus que des œuvres fausses. L’Allemagne, malgré l’orgueil de son patriotisme, nous donne un douloureux exemple de cette défection d’un grand peuple. En voulant se transformer, elle semble par instans disposée à se détruire. Combien elle aurait besoin pourtant de rassembler toutes ses forces ! L’absolutisme la presse d’un côté, de l’autre elle est menacée par la démagogie : c’est, avant tout, ce dernier ennemi qui est à craindre. Quel obstacle intérieur pourrait arrêter le mouvement légitime de l’Allemagne le jour où elle n’aurait plus à combattre que les prétentions d’un absolutisme caduc ? Si tous ses conseillers, si ses publicistes, ses philosophes et ses poètes désirent mettre fin à cette situation désastreuse, qu’ils travaillent tous à lui rendre ses traditions, son génie, ses vertus. Certes, ce qu’il y a de plus antipathique, ce qui doit le plus répugner au pays de Leibnitz et de Kant, de Schiller et de Jean-Paul, on ne niera pas que ce soit le matérialisme. Appliquez ce principe à l’état présent des choses, et traduisez-le ainsi : le plus redoutable ennemi de l’Allemagne s’appelle la démagogie, et le plus fort soutien de la démagogie, c’est la philosophie hégélienne.

Or, il y a un remède, et le plus efficace, qui est désormais entre les mains des peuples allemands. Ce qui a exalté avant tout les extravagances des écrivains de ce pays, c’était l’obstination des gouvernemens