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Des chants intérieurs que vous n’entendez pas.
Oh ! laissez-moi rêver ! Ne plaignez pas mes larmes.
Si souvent dans le monde on rit sans être heureux,
Que pleurer d’un regret est parfois plein de charmes,
Et vaut mieux qu’un bonheur qui ment à tous les yeux !
Je connais du plaisir le beau masque hypocrite,
La voix au timbre faux et le rire trompeur,
Que vos pleurs en secret vont remplacer bien vite,
Comme un fer retiré des blessures du cœur.
Pour moi, du moins mes pleurs n’ont pas besoin de voile :
Sur mon front ma douleur, — comme au ciel une étoile !

Ce dernier vers ne résume-t-il pas, comme un accord final et solennel, la pensée qui domine tout ce recueil lyrique ? Oui, c’est bien la douleur qui est l’étoile de cette plaintive et tendre muse. C’est la douleur dont le sceau irrécusable se retrouve dans les récits qui ont été la continuation dramatique de ces poèmes élégiaques. L’inspiration de l’auteur ne fait que s’y achever et s’y préciser. Les nouvelles mêmes se complètent les unes par les autres. Marie-Madeleine, Résignation, Une Vie heureuse, ont leur pendant naturel dans le Médecin du Village et dans Une Histoire hollandaise. Toutes ces frêles victimes, toutes ces jeunes femmes touchées dans leur printemps par le vent de la mort, Madeleine, Éva, Ursule, Christine, laissent deviner, malgré la diversité de leurs physionomies, une sorte de parenté, d’affinité mystérieuse. Les histoires qui encadrent ces gracieuses figures sont autant d’hymnes chantés à l’expiatoire et salutaire puissance de la douleur. Toutes les fois que l’auteur est amené à traiter ce thème préféré, il rencontre des images, il trouve des paroles empreintes d’une noble et profonde émotion. L’ame d’une femme se révèle alors dans toute sa sensibilité, et l’analyse de ces amères voluptés du sacrifice prend dans ces pages si simples un intérêt qu’elle n’aurait pas sous la plume du moraliste.

On a peut-être une idée maintenant de l’ensemble littéraire auquel appartient le récit qu’on va lire. Publier ce récit, c’est compléter et justifier nos éloges ; c’est aussi rendre à l’auteur un nouvel hommage. Il nous semble d’ailleurs que des œuvres marquées au coin d’un sentiment moral si élevé et si pur doivent aujourd’hui moins que jamais être soustraites à l’attention du public. Les voix qui nous parlent d’apaisement et de soumission sont malheureusement trop rares, et celles-là surtout, dans le temps où nous vivons, peuvent avoir une heureuse et bienfaisante influence.

« Cette histoire m’a été racontée, dit l’auteur dans une note ; je ne l’eusse pas inventée. » Et cette réalité ajoute, selon nous, un charme de plus au récit.




Le soleil se levait, non pas brillant et radieux comme le soleil d’Espagne ou d’Italie, lorsque son ardente clarté, embrasant l’horizon, rappelle brusquement à la vie tout ce qui respire, lorsque, ses rayons d’or se mêlant au bleu foncé d’un ciel méridional, tout semble plein