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pourrait signaler dans ce volume deux courans poétiques bien distincts : la muse mondaine, la muse de la solitude, y parlent tour à tour, et c’est la dernière, nous l’avouerons franchement, que nous aimons surtout à entendre. Il y a dans quelques pièces purement lyriques, dans Tristesse, Anxiété, Ne m’aimez pas. Séparation, par exemple, un accent d’émotion naïve qui ne se retrouve pas au même degré dans les poèmes de donnée moins simple qui s’appellent la Gitana, le Dimanche des Rameaux, le Brigand des Pyrénées. L’inspiration semble ici contrariée par les limites d’un sujet trop circonscrit ; mais parmi ces poèmes, il en est un où le souffle élégiaque déborde avec largeur. Dans le dialogue entre l’Ange de Poésie et la Jeune Femme, le sujet est en parfaite harmonie avec l’originalité du talent dont il exprime les secrètes hésitations. L’ange de poésie offre à la jeune femme la lyre d’or et la couronne de laurier ; il lui parle de la gloire et des joies de la terre : qu’elle livre à l’écho sonore ses hymnes ou ses plaintes, que son ame s’éveille pour l’amour, pour l’enthousiasme, et l’ange la portera sur ses ailes aux régions divines ! La jeune femme demande grâce ; elle résiste dans son humilité, elle proteste dans sa modestie. Qu’on lui laisse le silence du foyer, les saintes joies du travail obscur. C’est en vain pourtant qu’elle supplie : elle finit par céder, mais on prévoit qu’elle ne cède qu’à demi. Si elle ne suit pas l’ange dans son vol audacieux, elle n’en est pas moins soumise à une influence supérieure, et les larmes qu’elle verse, les soupirs qui lui échappent dans la solitude, sont aussi agréables à Dieu que les plus éclatantes effusions de l’hymne ou du cantique.

Les pièces intitulées Tristesse, Anxiété, reproduisent le sentiment qui prête tant de charme à quelques parties du dialogue entre l’ange et la jeune femme. Dans la première de ces élégies, le poète célèbre la souffrance comme une sorte de préparation et d’adoucissement à la mort.

Ah ! s’il existe dans ce monde
Des êtres voués aux douleurs,
Qui naissent quand l’orage gronde,
Et ne moissonnent que des pleurs….
Ne serait-ce point qu’un Dieu sage,
De leur mort avant le secret,
Voulut qu’au printemps de leur âge
Ils s’envolassent sans regret ?

Sous le titre d’Anxiété, le combat que se livrent chez une jeune femme les frivoles habitudes de chaque jour et les vagues aspirations d’une ame ardente est retracé avec une rare délicatesse. Le dénoûment de cette lutte, on le devine, c’est aussi la résignation. — Quant aux élégies qui portent le titre commun de Séparation, elles forment tout un poème qui se distingue des précédens par un élan à la fois plus vif et plus soutenu. Ila seconde surtout de ces pièces respire une noble et pénétrante mélancolie.

Voici l’heure du bal. Allez, hâtez vos pas,
De ces fleurs sans parfum couronnez votre tête ;
Allez danser, mon cœur nt vous enviera pas.
Il est dans le silence aussi des jours de fête,