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de la servante grommela quelques paroles qui n’arrivèrent pas jusqu’au salon. Puis la porte s’ouvrit. Christine entra.

Le brouillard avait mouillé sa robe d’indienne. Le vent avait soulevé quelques mèches de ses cheveux. Son mantelet noir brillait de mille petites gouttes de pluie ; elle était rouge d’embarras et de crainte. Sa chaise vide était près de sa mère ; elle s’y plaça et baissa sa tête sur sa poitrine. Rient ne faut offert à l’enfant en retard.

Le silence continua.

Mme Van Amberg, entraînée par son inquiétude maternelle, tira de la poche de sa robe un mouchoir dont elle essuya le front et les cheveux mouillés de Christine. Elle prit ses mains pour les réchauffer dans les siennes.

M. Van Amberg, pour la seconde fois depuis le déjeuner, regarda sa femme. Celle-ci quitta aussitôt la main de Christine, remit lentement son mouchoir sur ses genoux, et, la tête baissée comme celle de sa fille, elle demeura immobile. M. Van Amberg se leva de table. Une larme brilla dans les yeux de la mère quand elle vit que son enfant n’avait pas mangé. Elle alla s’asseoir près de la fenêtre, et se mit à travailler.

Christine restait à sa place, dans la même attitude de honte et de Crainte. Les deux filles aînées se hâtaient d’ôter le couvert.

— Ne voyez-vous pas que Wilhelmine et Maria s’occupent des soins du ménage ? Ne sauriez-vous faire comme elles ?

À la voix de son père, Christine se leva brusquement, et, saisissant les tasses, la théière, elle fit, en courant, plusieurs voyages du parloir à l’office.

— Doucement donc ! vous allez tout casser ! reprit M. Van Amberg ; il faut commencer chaque chose en son temps, pour finir sans se hâter.

Christine s’arrêta, et se tint immobile au milieu de la chambre. Ses deux sœurs passèrent auprès d’elle en souriant, et l’une d’elle murmura, car personne ne parlait haut en présence de M. Van Amberg :

— Christine ne peut pas apprendre les soins du ménage en regardant les étoiles ou en voyant l’eau couler !

— Allons, mademoiselle, vous salissez tout ici ! dit la servante qui venait d’entrer. Allez changer cette robe humide qui mouille tous mes meubles.

Christine restait debout au milieu du salon, n’osant bouger sans l’ordre du maître.

— Sortez ! lui dit M. Van Amberg.

La jeune fille s’enfuit en courant, monta l’escalier, entra dans sa chambre, et, s’appuyant sur son lit, se mit à pleurer. Mme Van Amberg travaillait en silence, la tête baissée sur son ouvrage.