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— Ma mère, j’aime Herbert ! répondit Christine.

Annunciata regarda avec désolation sa fille, le christ attaché à la muraille, le ciel que l’on entrevoyait par la fenêtre ouverte, et, se laissant tomber sur une chaise, elle y resta immobile et découragée.

La cloche du dîner se fit entendre. Mme Van Amberg se leva brusquement, et, faisant un grand effort pour rassembler ses idées et pour les exprimer :

M. Van Amberg, dit-elle d’une voix étouffée, veut que tu sois enfermée dans ta chambre, que je lui en porte la clé, que tu ne voies personne… Voici l’heure, il m’attend.

— Enfermée ! s’écria Christine, enfermée ! Seule tout le jour ! Je me briserai plutôt la tête contre le mur.

Annunciata répéta tristement :

— Il le veut, il faut que j’obéisse, il le veut.

Elle marcha vers la porte, jeta sur Christine un regard si plein d’amour et de douleur, que celle-ci, tout interdite, la laissa faire sans opposer de résistance. La clé tourna dans la serrure, et Annunciata, se soutenant à la rampe de l’escalier, descendit.

Elle entra dans le parloir, M. Van Amberg était seul.

— Vous êtes restée bien long-temps là-haut, dit-il ; êtes-vous pleinement convaincue que votre fille était ce matin avec Herbert l’étudiant ?

— Elle y était, murmura Annunciata.

— Vous lui avez fait connaître mes ordres ?

— Je l’ai fait.

— Vous l’avez enfermée ?

— J’ai enfermé mon enfant.

— Où est la clé ?

— La voici.

— À table maintenant, ajouta M. Van Amberg en se dirigeant vers la salle à manger ; il passa le premier, Annunciata voulut le suivre, les forces lui manquèrent, elle se laissa tomber sur un fauteuil qui se trouvait près d’elle. — M. Van Amberg se mit seul à table.


— Enfermée ! disait Christine, séparée du reste de la famille ! enfermée ! Oh ! la prairie a donc paru trop grande pour moi, la maison trop vaste ; on a voulu une prison plus étroite, dont les murs fussent plus visibles. Enfermée ! On me retire le peu d’air que je respirais, le peu de liberté que j’avais su me conquérir !

Elle ouvrit la fenêtre autant qu’elle pouvait s’ouvrir, s’appuya sur la balustrade, et regarda le ciel. Il était bien sombre : la nuit était complètement venue ; de gros nuages cachaient toutes les étoiles, aucune lueur ne venait d’en haut sur la terre ; différentes teintes d’obscurité marquaient seules les contours de ces lieux, tant connus de