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les douces chansons de Wilhelmine. Rien ne troubla le silence ; toutes les lumières de la maison rouge s’éteignirent l’une après l’autre. La nuit et la plus profonde obscurité régnèrent partout. Christine resta près de sa fenêtre, penchée au dehors, les bras tendus vers l’espace ; elle ne sentait pas qu’elle avait froid. Elle faisait comme les oiseaux qui se brisent contre les barreaux d’une cage sans espérance d’en sortir, elle se penchait au risque de tomber. L’air, le vide, avaient pour sa tête exaltée un attrait magnétique ; elle avait besoin d’un grand effort de sa raison pour ne pas s’abandonner au désir de se laisser tomber sur cette herbe humide que ses pieds avaient foulée si souvent. Tout à coup Christine tressaillit, il lui sembla avoir entendu murmurer à demi-voix son nom au bas du mur, elle écouta :

— Christine, ma fille ! répéta la même voix.

— Oh ! c’est vous, ma mère ! vous, dehors par ce temps affreux ! Rentrez, je vous en conjure !

— Je viens de passer deux jours au lit, mon enfant, j’ai été un peu souffrante ; ce soir, je me suis sentie mieux, surtout j’ai senti qu’il m’était impossible de rester plus long-temps sans te voir, car tu es ma vie, ma force, ma santé ! Oh ! tu as eu raison, mon enfant, de ne pas me quitter, j’en serais morte ! Comment es-tu, ma Christine ? Te donne-t-on tout ce qui t’est nécessaire ? Comment vis-tu loin de mes baisers et de mon amour ?

— Ma mère bien-aimée, de grâce ne laissez pas l’humidité de la nuit tomber sur vos épaules ; rentrez, au nom du ciel ! rentrez, vous vous tuerez !

— Une parole de toi me réchauffe ; ma vie est de t’entendre, mon enfant ! C’est loin de toi que j’ai froid et que je me sens défaillir. Ma fille, je t’envoie mille baisers.

— Ma mère, je les reçois à genoux, les bras tendus vers vous. Quand vous reverrai-je, ma mère ?

— Quand ton cœur se sera soumis, quand tu jureras d’obéir, quand tu ne chercheras plus à rencontrer celui qu’on te défend de voir. Mon enfant, c’est ton devoir d’agir ainsi.

— O mon Dieu, que deviendrai-je ?… Jamais, jamais je ne promettrai de ne plus l’aimer ! Jamais, quand je pourrai le voir, je ne renoncerai au bonheur d’aller vivre un instant près de lui ! Ma mère, pardonnez-moi les larmes que je vous fais verser !

— Je te pardonne, mon enfant, je te pardonne. Je ne sens pas mes propres peines, ce sont tes douleurs auxquelles je ne puis me résigner. Ma fille, appelle à toi ton courage et ta raison, essaie d’obéir.

— Oh ! ma mère, j’aurais cru que votre cœur savait comprendre même ce qu’il n’a pas senti ! J’aurais cru que vous aviez du respect pour les sentimens vrais de l’ame, et que votre bouche ; jamais ne savait dire d’oublier ; mais, si je pouvais oublier, je n’aurais été, je ne serais