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leurs intrigues par correspondance, quelquefois même en sortir encore à la faveur de la saya.

Lafuente, qui avait commandé seul à Agua-Santa, aurait pu facilement, s’il l’avait voulu, s’emparer de la présidence. Il préféra s’abriter sous la légalité bâtarde du général Vidal, et fit procéder aux élections et à la convocation du congrès. Il espérait arriver légalement au pouvoir et se donner ainsi une force morale qu’il n’aurait pas eue autrement ; mais l’administration du général Vidal, presque uniquement signalée par des actes de violence et d’incapacité, ne tarda pas à irriter l’opinion publique, et Lafuente, que l’on savait gouverner sous son nom, dut nécessairement subir toutes les conséquences de cette impopularité. Cependant il aurait peut-être encore pu se faire élire, si le parti santa-cruciste, vaincu à Yungay, ne s’était relevé à son tour, et, sans oser mettre en avant l’ex-protecteur, qui se tenait toujours trop prudemment à Guayaquil, n’avait fait proclamer le général Vivanco, alors préfet d’Aréquipa, jeune homme intelligent, mais peu familiarisé avec la conduite des affaires. L’armée elle-même, sous les ordres du. général Pezet, reconnut Vivanco, et Vidal se vit obligé de se retirer, sans avoir même essayé de se défendre, en remettant le pouvoir au premier vice-président du conseil d’état, M. Figuerola, vieillard infirme dont il avait lui-même quelques mois auparavant proclamé l’incapacité. Ce gouvernement dérisoire dura trois jours, au bout desquels M. Figuerola fut déposé, et le général Vivanco, reconnu partout, ne tarda pas à faire une entrée triomphale à Lima.

La nouvelle administration commença sous les auspices les plus favorables. Malgré le vice de son origine, on eut confiance en elle. Il semblait qu’on dût attendre beaucoup d’un homme qui se trouvait à peu près étranger aux erremens de tous les anciens gouvernemens, et qui d’ailleurs promettait hautement toutes les réformes que depuis long-temps réclamait le pays. Le mot même de régénération du Pérou fut prononcé souvent, et les jeunes gens surtout affectèrent de le répéter avec confiance ; mais cette confiance même, que la flatterie entretenait déjà, et à laquelle l’esprit un peu léger du général Vivanco se livra trop aveuglément, fut précisément la cause première des fautes qu’il commit alors, et qui finirent par amener sa ruine. C’est ainsi que, pour faciliter la marche de son administration, le jeune président, qui d’abord avait annoncé n’établir qu’un gouvernement provisoire, et qui s’était contenté du titre modeste de directeur, osa renverser par un simple décret cette même constitution au nom de laquelle il avait levé son drapeau et qu’il avait juré de défendre. Après cette première faute, au lieu de hâter l’installation du congrès, il convoqua de son autorité, devenue tout à coup presque dictatoriale, non le congrès, mais une assemblée constituante. Et cependant, tant il est