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contribution foncière qui étaient perçus par le trésor, mais qui n’avaient point d’affectation spéciale. C’est un dégrèvement de 26 millions 569,345 francs. Désormais l’état ne percevra plus que 160 millions sur la contribution foncière.

À n’envisager que la situation du trésor, une diminution aussi considérable dans les produits de l’impôt le plus productif et le plus certain peut ne paraître ni opportune ni prudente. Jusqu’à présent, pour dégrever la propriété foncière, l’on avait attendu les époques prospères qui ramènent l’abondance et le progrès dans les ressources de l’impôt indirect. Ce n’est pas généralement en présence d’une dette flottante considérable et d’un budget ordinaire en déficit que l’on songe à réduire les taxes. Sir Robert Peel en a donné le premier et l’unique exemple ; mais, de la même main qui retranchait les taxes les plus gênantes pour le commerce et l’industrie, il relevait l’édifice de l’income-tax, impôt qui serait impopulaire et impossible chez nous.

Il n’y a pas de raison financière pour supprimer le revenu que le trésor retirait des 17 centimes additionnels ; mais je comprends que l’on se couvre de la raison d’état, et que l’on prétende obtenir ainsi un résultat politique. Il se peut qu’après avoir bravé, pour rétablir l’impôt des boissons, une impopularité passagère, l’on juge utile au gouvernement nouveau la popularité qui s’attache toujours à un dégrèvement direct et permanent. Le parti socialiste est par- venu à désaffectionner les campagnes, en exagérant le poids des contributions aux yeux des contribuables, et en imputant les charges et les désastres de la révolution au gouvernement qui les répare. La démonstration sert de peu pour faire luire la vérité à des regards prévenus. Peut-être faut-il, pour que les intelligences les moins ouvertes apprécient les efforts réparateurs du pouvoir, que la cote signifiée à chacun par le percepteur se présente dans des proportions plus modestes et plus humaines. Admettons donc le dégrèvement de 17 centimes, s’il doit soulager l’agriculture et ramener partout l’empire du bon sens.

Nous ne sommes pas libres, au surplus, d’agir d’une autre manière. Il y a des déclarations que le pouvoir ne doit pas faire, sans y avoir mûrement réfléchi ; mais ces concessions, une fois annoncées et applaudies, comme celle-ci l’a été, par les assemblées délibérantes, le gouvernement n’est plus maître de les retirer, et c’est en vain qu’on les conteste : un impôt que le ministre des finances abandonne est un impôt dont on peut enregistrer la suppression. Au surplus, l’on n’entend partout que ce cri : « L’agriculture a porté le poids des 45 centimes ; elle a souffert des bouleversemens politiques et de l’abondance même des denrées ; il faut faire quelque chose pour l’agriculture. » Ce quelque chose, le gouvernement l’a proposé l’opinion publique l’accepte avec enthousiasme : tenons donc le dégrèvement pour irrésistible, et arrangeons-nous