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pour combler les vides qu’il opère dans les revenus de l’état. Voilà ce que l’on peut reprocher à M. le ministre des finances. En supprimant une recette, il n’en crée pas une autre pour la remplacer. Un dégrèvement de 27 millions dans la contribution foncière entraînait, comme conséquence nécessaire, le rétablissement d’un décime sur la taxe du sel. Il n’est permis de démolir qu’à ceux qui savent reconstruire. M. le ministre des finances va plus loin ; il réduit de moitié les droits perçus, à l’occasion des emprunts, sur les obligations et sur les quittances : c’est un second dégrèvement de 6 millions. Que nous propose-t-on, cependant, pour tenir lieu de ces ressources ? Des expédiens qui ne ressemblent pas mal, quoique sur une plus petite échelle, à ce budget de bric-à-brac dans lequel le premier ministre des finances qui ait paru devant l’assemblée constituante étalait et mettait en vente les guenilles du domaine public : une taxe fort contestée et fort contestable sur les sels destinés à la fabrication de la soude, une taxe sur le timbre des journaux, dont l’adoption est encore problématique, et des lambeaux de taxe sur les poudres à feu, sur le plomb de chasse ainsi que sur les cartes à jouer. On abandonne 33 millions clairs et liquides pour courir après 12 millions dont la rentrée est plus qu’incertaine ! Il y a là un laisser-aller, un optimisme dont la témérité nous confond.

Rien n’est plus délicat et ne demande plus de précision que l’évaluation des produits à recouvrer sur les contributions indirectes. On sait que les revenus indirects donnent en quelque sorte le niveau de la richesse publique, s’élevant rapidement avec le mouvement des affaires et baissant tout aussi vite à la première crise qui trouble ou suspend cette activité. Il y a là des reviremens soudains qui défient et déjouent la prévoyance des hommes d’état. On a donc généralement adopté pour règle, quand on estime les revenus de l’année qui va suivre, de les mesurer à ceux de l’année dont on a déjà les résultats sous les yeux. Aucun financier prudent n’escompterait par avance l’accroissement que peut amener une période de deux années. Aussi, quand M. le ministre des finances, après avoir rappelé que les revenus indirects de 1849 se sont élevés à 707 millions, évalue ceux de 1851 à 720 millions[1], il nous paraît mettre un peu trop librement de son côté les faveurs de la Providence.

Les impôts et revenus indirects ont rendu à l’état en 1849, dans une année peu prospère, la somme de 824,712,400 francs ; la réduction de l’impôt du sel, la réforme de la taxe des lettres et la suppression du timbre sur les journaux firent perdre depuis au trésor environ 60 millions.

  1. 720 millions qui, par le dégrèvement de 6 millions sur le produit des quittances, descendront à 714 millions.