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ou frivole qui a quelque prise sur l’esprit de son temps manque à sa tâche réparatrice, s’il laisse à ceux qui le lisent le droit de douter de ce qu’il affirme, ou de croire à ce qu’il nie.


ARMAND DE PONTMARTIN.


Des prisonniers, de l’Emprisonnement et des Prisons, par M. G. Ferrus, inspecteur-général du service des aliénés et du service sanitaire des prisons. — M. Ferrus a commencé cet ouvrage en 1847, au moment où il était question d’appliquer à tous les condamnés l’emprisonnement cellulaire ; il se proposait surtout de combattre les abus de cet emprunt fait aux Américains. Les États-Unis comptent trois systèmes qui sont : 1° le solitary confinement ou encellulement solitaire, que MM. de Beaumont et de Tocqueville ont jugé avec énergie en disant que la solitude absolue ne réforme pas, mais tue le criminel ; 2° le régime dit d’Auburn, qui prit naissance dans la prison même où avait été tenté l’essai funeste du solitary confinement : il comporte l’emprisonnement solitaire de nuit avec le travail en commun pendant le jour sous la séparation morale du silence ; 3° le régime de Philadelphie, qui n’est que le solitary confinement ou l’emprisonnement cellulaire de jour et de nuit avec le travail comme adoucissement. — M. Ferrus s’élève avec force contre l’application exclusive du solitary confinement. L’encellulement peut être appliqué avec avantage à certains condamnés ; mais l’étendre à tous sans distinction, c’est violer les lois de la nature et nier l’autorité des faits. L’uniformité n’existe nulle part ; elle ne se rencontre ni dans le crime, ni dans le caractère de ceux qui l’ont commis. On ne tient pas compte de ces exigences, lorsqu’on se borne à établir entre les condamnés la différence de la durée de la peine. Les rigueurs de la prison consistent moins dans le nombre d’années passées sous les verrous que dans l’épreuve des premiers temps de la captivité. On blesse donc l’équité en les rendant aussi durs pour les criminels endurcis que pour les individus coupables d’un simple délit. Il faut que, dans l’appréciation de l’attentat, l’intention tienne autant de place que le fait, si ce n’est plus. De ce principe découle une classification des condamnés qui est la clé de voûte du système. M. Ferrus les partage en trois catégories : « 1° les condamnés doués d’une perversité intelligente et d’un caractère énergique ; 2° ceux que le vice ou l’ignorance ont abrutis ; 3° les détenus auxquels une incapacité native ne permet d’apprécier que très imparfaitement la criminalité de leurs actes. Il applique aux premiers l’encellulement continu (système de Philadelphie) pour rompre la fraternité du crime ; aux seconds, le travail en commun avec isolement nocturne et silence (régime d’Auburn), ce qui satisfait les besoins de sociabilité en écartant les abus ; aux derniers enfin, la règle adoucie du silence, sans séparation au dortoir et à l’atelier : ce régime est sans danger, puisqu’on cherche, par les incitations de la vie commune, à rappeler ces malheureux aux émotions humaines. Les condamnés compris dans ces trois catégories reçoivent une instruction élémentaire et des soins hygiéniques qui leur ont manqué jusqu’à ce jour. Ils sont tous soumis au travail, que M. Ferrus regarde comme le principal élément de moralisation, mais sous cette double réserve, que la répartition en sera faite avec intelligence, et qu’il sera tenu compte des aptitudes diverses des individus. — L’auteur cite à l’appui de son système quelques lignes extraites d’une publication de M. Léon Faucher, dans lesquelles