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circulaire pratiquée dans les capsules désignées en turc sous le nom de hachich ; c’est ce suc qui constitue l’afium ou l’opium des Européens ; on le laisse coaguler et on le pétrit ensuite en forme de galettes de quatre à cinq oks chacune ; c’est sous cette forme que l’opium de l’Orient est livré au commerce. Sur les lieux, l’ok d’opium coûte de 150 à 200 piastres (de 30 à 40 francs environ), tandis que la compagnie anglaise le revend ensuite en Chine à raison de 500 à 600 piastres l’ok, ce qui, déduction faite de tous les frais de transport, lui assure un bénéfice d’au moins 100 pour 100.

Le djéhri est particulièrement cultivé à Konia et à Kaïsaria ; on le retrouve également dans presque toutes les localités volcaniques de l’Asie Mineure, car cette rhamnée affectionne singulièrement le sol rocailleux composé des détritus des roches qui contiennent des substances feldspathiques et amphiboliques. Aussi une carte géologique de l’Asie Mineure permettrait-elle de désigner d’avance, et par la simple inspection, les localités favorables à la culture de cette plante tinctoriale, qui sera quelque jour une source de grande richesse pour le pays. Dans l’Asie Mineure en effet plus que dans tout autre pays, les zones botaniques se trouvant en relation intime avec les formations géologiques, les simples teintes d’une carte géologique bien faite et munie d’indications hypsométriques signaleraient d’avance la distribution des plantes utiles, et conséquemment détermineraient les chances qu’offrent certaines régions pour certaines cultures, ce qui épargnerait au gouvernement turc des tâtonnemens et des essais dispendieux, tant pour les produits du règne végétal que pour ceux du règne minéral.

Tous les rochers trachytiques dans les environs de Konia, d’Angora et de Kaïsaria sont couverts de l’arbuste nommé djéhri, et, dans le village grec de Silé (à six kilomètres de Konia), un superbe pic trachytique porte pour cette raison le nom de Djéhri-Dagh (la montagne du Djéhri). L’arbuste est propagé par boutures ; la bouture transplantée porte fruit la troisième année ; la plante produit pendant trois ans, après quoi elle s’épuise et devient improductive, si on n’a pas soin de la greffer. Malheureusement la fructification est sujette aux plus grandes vicissitudes, et c’est là une source de graves mécomptes pour les planteurs de ce pays ; très souvent l’arbre, après avoir parfaitement fleuri, laisse tomber ses fruits avortés et dénués de toute matière colorante. Il ne serait pas impossible que ces fréquens avortemens tinssent à des fécondations incomplètes ou défectueuses, et, pour remédier à ce mal, il faudrait peut-être faciliter les relations entre les fleurs femelles et mâles, car la plante dont il s’agit n’est pas hermaphrodite ; elle ne présente pas la réunion des organes des deux sexes dans une seule fleur ; ces organes sont au contraire répartis dans des fleurs différentes.