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se fasse le directeur d’une société tontinière, c’est une exception à la règle générale qui ne peut être justifiée que par la nécessité de venir en aide aux classes nécessiteuses. Dès qu’il ne s’agit plus d’une pension alimentaire, le caractère d’immoralité et d’égoïsme reproché de tout temps aux tontines reparaît dans toute sa force. Est-il prudent d’ailleurs d’imposer à l’état une charge trop lourde ? Pendant les premières années, la condition de l’état sera excellente ; il recevra de l’argent dont il ne paiera ni le capital ni l’intérêt, mais plus tard, quand s’ouvriront les pensions de retraite, si elles sont trop nombreuses et trop considérables, n’est-il pas à craindre que l’état ne fléchisse sous le poids de ses engagemens ?

Après la question des caisses de retraite venait celle des sociétés de.secours mutuels. Ici l’approbation du conseil général pour les propositions du gouvernement a été complète. On sait quels immenses bienfaits répandent dans la classe ouvrière les sociétés actuellement existantes de secours mutuels. Le nombre de ces sociétés est déjà considérable et s’accroît tous les jours. Leur constitution varie suivant les mœurs et les besoins des localités où elles s’établissent ; un grand nombre d’entre elles sont placées sous l’invocation de la religion, et certes il ne saurait être question de leur enlever ce précieux caractère. Le gouvernement proposait de leur donner des facilités nouvelles, en décidant qu’elles pourraient, sur leur demande, être déclarées établissemens d’utilité publique, afin de devenir aptes à recevoir des dons et legs ; il s’agissait aussi d’armer le gouvernement du droit de limiter le nombre maximum et minimum des sociétaires. Aucune de ces dispositions ne pouvait soulever d’objections dans le sein du conseil. Le droit de limitation surtout est nécessaire pour empêcher que ces sociétés ne changent de caractère ; outre qu’un trop grand nombre d’associés pourrait faire courir des dangers à la paix publique, on a fait remarquer avec juste raison que de telles associations devaient être de véritables familles, et qu’il n’y a pas de famille là où l’on ne se connaît pas. Le lien de la mutualité se relâche en s’étendant, et le grand principe chrétien, aimez-vous les uns les autres, s’applique difficilement à des inconnus.

Le système des primes, repoussé par le conseil à propos des caisses de retraite, a été reproduit par MM. Mimerel et Lebeuf à propos des sociétés de secours mutuels, mais sans obtenir plus de succès. Seulement le conseil a demandé, sur la proposition de M. de Colmon, qu’il fût ouvert au ministère du commerce un crédit affecté aux frais de premier établissement de nouvelles sociétés de secours mutuels constituées dans des conditions propres à offrir aux membres associés toutes garanties d’ordre, de sécurité et de bonne administration. C’était faire tout ce qui était raisonnable et possible en faveur de ces utiles établissemens. À ce sujet, M. Dupin aîné a fait remarquer avec un