Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/751

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand esprit d’à-propos qu’il n’y avait au fond aucune division dans les opinions des diverses fractions de l’assemblée, que tout le monde avait les mêmes intentions et le même but, et qu’on ne différait que sur les moyens. Telle est en effet la vérité. Il n’est pas un seul membre du conseil général qui ne se soit montré animé du plus vif intérêt, soit pour les caisses de retraite, soit pour les sociétés de secours mutuels, et tous l’ont prouvé en accordant aux unes la garantie de l’état, et en votant pour les autres un fonds d’encouragement ; mais la majorité a refusé par deux fois de s’engager dans une voie qui lui a paru dangereuse, et qui l’était réellement. La distribution des primes aurait offert dans la pratique des difficultés de toute nature ; elles auraient renouvelé en quelque sorte la sportule des anciens Romains, et fait crier bientôt à la corruption des ouvriers par les bourgeois.

Des faits frappans ont été cités dans la discussion pour montrer ce que font déjà en faveur de leurs ouvriers les grandes compagnies industrielles. La seule société des mines de la Loire a donné en une année 750,000 francs à ses ouvriers pour fonder des ateliers de charité, des établissemens de secours, des écoles, des hospices, etc. Les compagnies des chemins de fer d’Orléans et de Rouen ont décidé qu’elles donneraient à ceux de leurs employés qui verseraient à la caisse des retraites une somme égale aux versemens ; ces compagnies ont ainsi distribué chacune 150 à 200,000 francs par an. Toutes les grandes sociétés de forges, les fabriques de glaces, les sociétés houillères, les sociétés de chemins de fer, en font autant. Faire intervenir l’état dans une trop grande proportion, ce serait restreindre plutôt qu’étendre ces secours. Quand l’état paraît, les particuliers se retirent. Tout ce que fait l’état se fait avec grand bruit ; l’action de la bienfaisance privée est plus modeste, mais plus efficace en réalité. Les dons de l’état prennent d’ailleurs tôt ou tard le caractère d’une dette ; c’est un bienfait anonyme que l’on s’habitue bien vite à considérer comme un devoir, et qui n’excite aucune reconnaissance : il n’en est pas de même des dons privés et libres ; ceux-là établissent entre celui qui donne et celui qui reçoit des rapports d’affection et de confiance mutuelles, bien nécessaires pour combattre l’effet des passions haineuses soulevées aujourd’hui entre les citoyens.

Pour compléter l’ordre d’idées qui devait servir en quelque sorte de préface à ses délibérations, le conseil général a consacré ensuite plusieurs séances à l’examen des questions qui se rattachent au travail dans les manufactures. Ces questions se sont présentées sous trois formes principales : 1° la durée du travail des adultes ; 2° la cessation du travail dans les jours fériés ; 30 le travail des femmes et des enfans. Ces diverses questions ont été parfaitement traitées par M. Charles Dupin